Le documentaire d’Osvalde Lewat, la réalisatrice franco-camerounaise, explore la faction militaire de l’ANC, créée par l’ancien président sud-africain.
En 2016, à Johannesburg, la cinéaste franco-camerounaise Osvalde Lewat a retrouvé un ami sud-africain, Zola Maseko, lauréat de l’Étalon d’or de Yennenga à la 19e édition du Fespaco en 2005. La vie du réalisateur semblait s’effriter alors que les démons de son passé en tant qu’ancien combattant de l’uMkhonto we Sizwe (MK), la branche militaire de l’ANC fondée par Nelson Mandela, refaisaient surface pour le hanter.
Zola Maseko a confié à Osvalde Lewat son engagement dès 19 ans, ses combats, la perte de ses camarades, son retour en Afrique du Sud, ses luttes et dépendance à la drogue. Il a aussi admis ne pas avoir compris l’ampleur du traumatisme vécu par lui et ses compagnons d’armes, ni la frustration liée au manque de reconnaissance.
Selon Osvalde Lewat, l’histoire de l’apartheid a été biaisée par une perspective coloniale, laissant croire que sa fin résultait de la prise de conscience des Blancs de sa barbarie. En réalité, la pression des jeunes militants, suivant les recommandations d’Oliver Tambo, a contraint les Blancs à mettre fin à l’apartheid.
Ronnie Kasrils, ancien dirigeant de MK d’origine lituanienne, revisite fièrement le site de leur première attaque à la bombe. La cinéaste, qui se passionne pour les héros méconnus, affirme avoir réalisé ce film pour mettre en lumière cette période cruciale de l’histoire de l’Afrique du Sud et rendre hommage aux jeunes volontaires qui y ont pris part.
Tout au long du film, on ressent le désenchantement et l’amertume des anciens soldats. Leur implication a désagrégé leurs familles. Bien que la plupart se disent fiers d’avoir accompli leur mission et prêts à recommencer, certains estiment que le prix payé est trop élevé, surtout à la lumière des présidences de Jacob Zuma et de la corruption qui afflige aujourd’hui l’ANC. Ils ont regagné leur dignité, mais demeurent marginalisés et vivent dans la précarité.
Après la fin de l’apartheid, les anciens soldats du MK qui le souhaitaient ont été réintégrés dans l’armée sud-africaine, mais à des grades inférieurs à ceux qu’ils avaient atteints pendant la lutte, après leur formation dans les armées des pays de l’Est. Cette « injustice » a même conduit à une mutinerie. La plupart de ceux qui ont choisi de retourner à la vie civile étaient mal préparés pour s’adapter à la nouvelle Afrique du Sud. Ceux qui ont réussi leur réinsertion étaient souvent issus de familles de cadres.
Le film souligne implicitement les reproches de nombreux Noirs envers Mandela. Ils lui reprochent d’avoir consenti à trop de compromis au nom de la paix sociale, au détriment de l’équité économique. Pour les membres du MK, le pays a abandonné ses aspirations socialistes pour embrasser le capitalisme.