Les bouquins culinaires sud-africains racontent les coutumes des recettes qui se transmettent entre générations et communautés depuis plus d’un siècle.

Dans une grande bibliothèque équipée d’une échelle qui s’élève à peu près jusqu’au plafond, le chef étoilé Jan Hendrik van der Westhuizen, chef et patron du restaurant Michelin JAN à Nice a entrepris de conserver la plus grande collection de livres de cuisine d’Afrique du Sud. Dans son studio d’innovation, plusieurs ouvrages sont entreposés au Cap, et près de 1 000 autres sont exposés à Klein Jan, son restaurant gastronomique privée installé dans une réserve du Kalahari.
Selon Hanfred Rauch, éditeur de Jan the Journal, le magazine semestriel du chef Jan Hendrik, aucun de ces ouvrages n’a été acheté. Tous ont été offerts par leurs détenteurs, qui allaient s’en débarrasser. « Ici on peut les garder en bon état et ils servent à nos chefs qui peuvent s’inspirer du passé pour innover », explique-t-il. L’anachronisme fait partie de notre marque. On a un pied dans le passé et l’autre dans le futur. »
Hendricks veut donc par sa cuisine « innover le passé » notamment autour des plats locaux et traditionnels de son enfance à la ferme, dans une famille afrikaner. C’est de la cuisine paysanne encore appelée «boerekos», avec des plats comme le bobotie, la milk tart (tarte au lait et à la cannelle) ou le pastorie hoender, (le poulet du presbytère). Une cuisine simple et riche où le riz, les patates et la viande sont les aliments de base.
En Afrique du Sud, un magazine de recette populaire écrit en afrikaans est également appelé Boerekos. « Il y a une tradition de publier des livres de cuisine en afrikaans, qui fait partie de la construction d’une identité afrikaner, selon Anna Trapido, anthropologue culinaire. Depuis les années 1930, il y a un effort très conscient de se démarquer du reste de la population et cela fait partie du projet nationaliste afrikaner. »
La bible des livres de cuisine sud-africains a d’abord été écrite en afrikaans : Kook en geniet(Cuisinez et savourez) et publiée pour la première fois par Stoffelina Johanna Adriana en 1951, une autrice de Stellenbosch, décédée en 2010 mais dont le travail a été récupéré par sa fille, Eunice van der Berg. Ce bouquin de plus de 500 pages est un manuel technique pour réaliser des plats basiques, du genre La cuisine pour les nuls avec peu d’illustrations.
Cuisiner simplement et rapidement, c’est aussi le slogan de vente du best seller du moment, The Lazy Makoti (La jeune mariée paresseuse). La cheffe Mogau Seshoene, chef de formation et auteur de livres de cuisine primé d’Afrique du Sud incarne ce personnage rayonnant, entre tradition et modernité, avec son tablier rouge. On y retrouve un chapitre sur comment préparer un dîner rapidement, un autre sur les gâteaux d’anniversaire, également quelques recettes de son enfance qui interpellent la communauté noire et un chapitre dédié aux plats emblématiques du continent africain comme le riz jollof, au Nigeria.