Depuis le dimanche 1er décembre, la Belgique est devenu le premier pays au monde à accorder un véritable statut aux travailleuses et travailleurs du sexe. Grâce à une loi adoptée en mai 2024, ces derniers bénéficient désormais de droits similaires à ceux des autres salariés : contrats de travail, assurance-maladie, pensions de retraite, congés payés, congés maternité, et arrêts maladie. Une révolution pour un métier souvent marginalisé et précarisé.
Un quotidien difficile et des combats personnels
Cette réforme vise à encadrer la profession et à offrir un filet de sécurité. Victoria, présidente de l’Union des Travailleurs et Travailleuses du Sexe de Belgique (UTSOPI), a mené cette bataille après avoir elle-même subi des violences et une exploitation. « Avant, il n’y avait aucun protocole pour nous protéger. Maintenant, nous avons des outils pour être plus en sécurité », déclare-t-elle.
La loi introduit des libertés fondamentales pour les travailleuses et travailleurs du sexe : le droit de refuser un client, de refuser certains actes, d’interrompre ou d’arrêter leur activité, et d’imposer leurs propres conditions. Les employeurs doivent respecter des normes strictes en matière d’hygiène, de sécurité, et fournir des équipements adaptés, comme un bouton d’urgence dans chaque chambre. Par ailleurs, seuls les employeurs agréés pourront embaucher légalement. Ceux ayant un casier judiciaire pour crimes graves seront exclus, ce qui pourrait entraîner la fermeture de nombreux établissements non conformes.
Entre critiques et espoirs
Si cette réforme est saluée par des organisations comme Human Rights Watch, elle suscite aussi des critiques. Julia Crumière, bénévole chez Isala, estime que « légaliser le métier ne mettra pas fin à son exploitation ni à sa dangerosité ». Elle rappelle que de nombreuses femmes souhaitent quitter ce milieu plutôt que de voir leur travail encadré. Cependant, pour Mel, une travailleuse du sexe ayant subi des pressions pour accepter des pratiques risquées, cette loi marque un tournant. « Désormais, je peux refuser des clients ou des actes sans crainte. J’ai un avenir. »
Une première mondiale
Après avoir dépénalisé la prostitution en 2022, la Belgique devient le premier pays à établir un cadre légal aussi complet. « Avant, toute personne embauchant un travailleur du sexe était considérée comme un proxénète. La loi n’était pas appliquée, ce qui ouvrait la porte à l’exploitation », explique Daan Bauwens, directeur d’UTSOPI. Désormais, la profession est reconnue comme un emploi à part entière. Pour Victoria, cette loi est une victoire personnelle et collective : « Elle nous permet enfin d’exister en tant que personnes et de travailler dans des conditions dignes ». La réforme belge ouvre la voie à un débat global sur la régulation de l’industrie du sexe. Si elle divise, elle marque un précédent que d’autres pays pourraient suivre.