BOUAKÉ: PRISON SOUS HAUTE TENSION

0

Ce n’est pas juste une tentative d’évasion. C’est une guerre silencieuse qui a éclaté dans les murs usés de la prison de Bouaké. Une guerre pour le pouvoir, pour la drogue… et pour la survie. Dans l’ombre des couloirs de la Maison d’Arrêt et de Correction (MAC) de Bouaké, un empire souterrain s’est bâti depuis des années. Un empire nourri de comprimés, de complicités discrètes et d’alliances dangereuses entre détenus. Mais le 2 avril dernier, cet équilibre toxique a vacillé. Et la prison est devenue une poudrière.

Derrière les murs de Bouaké, révolte et réseau toxique. 

Tramadol et tension : le cocktail explosif

Tout commence avec une substance bien connue des milieux carcéraux : le tramadol, surnommé « Kadhafi » pour sa capacité à plonger l’esprit dans un état de guerre permanente. Le 2 avril, 60 comprimés sont saisis. C’est le signal. L’administration pénitentiaire, sous pression, durcit les inspections. Fouilles plus poussées, colis minutieusement passés au crible, surveillances renforcées.

Pour l’administration, c’est une victoire. Pour les détenus trafiquants, c’est une déclaration de guerre.

La coalition des détenus 11 : entre pouvoir et paranoïa

Dans cette atmosphère déjà électrique, une organisation interne, baptisée la « coalition détenus 11 », décide de passer à l’action. Leur cible : d’autres détenus, accusés d’avoir trahi le “système” en collaborant avec les autorités. Le 2 avril, la prison devient un ring. Deux blessés. Une tension palpable. Un avertissement à peine voilé.

7 avril, 5h du matin : la prison explose

Lorsque les portes des cellules s’ouvrent ce matin-là, la coordination est parfaite. L’évasion n’est pas une improvisation, mais une opération calculée. Des groupes se déploient. Le chaos s’installe.

Mais les forces de l’ordre, cette fois, sont prêtes. Gendarmerie et police interviennent rapidement. Résultat : un détenu meurt, étouffé dans la bousculade. Trois blessés, dont deux agents pénitentiaires. Le calme revient. En surface, du moins.

Un système en décomposition silencieuse

Au cœur de cette crise se pose une question cruciale : comment un trafic aussi structuré a-t-il pu s’épanouir au sein d’un établissement censé incarner l’ordre et la réhabilitation ? Derrière les discours officiels, c’est tout un système qui interroge :

  • Comment les comprimés de tramadol entrent-ils en prison ?
  • Qui ferme les yeux ? Qui les ouvre au bon moment ?
  • Comment une coalition de détenus a-t-elle pu s’organiser sans être détectée plus tôt ?

Autant de zones d’ombre que l’enquête devra éclaircir. Mais une chose est sûre : la MAC de Bouaké n’est pas qu’un lieu de détention. C’est un microcosme explosif, reflet d’une société où la frontière entre le dedans et le dehors semble floue, poreuse… voire complice.

Réactions en chaîne et avenir incertain

Le procureur Yéo Abel Nagbellé a promis des mesures strictes. Mais ces événements posent une autre urgence : la nécessité de repenser le système carcéral dans son entièreté. Car là où la réinsertion devrait primer, c’est la loi du plus fort  ou du plus rusé qui gouverne.

À Bouaké, les détenus ne fuient pas seulement une cellule.
Ils fuient un système qui les enferme deux fois : physiquement et socialement.

Article précédentCAMEROUN : 41 ANS APRÈS LE PUTSCH MANQUÉ
Article suivantCAMEROUN : DROITS D’AUTEURS ÉPONGÉS

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici