CAMEROUN : 41 ANS APRÈS LE PUTSCH MANQUÉ

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Il y a 41 ans, dans la nuit du 5 au 6 avril 1984, le régime de Paul Biya vacillait sous la pression d’un soulèvement militaire. Deux ans après son accession au pouvoir, des jeunes officiers regroupés dans le mouvement JOSE (Jeunes Officiers pour la Survie de l’État) tentent de renverser le président nouvellement installé.

Photo d’illustration (c) Jeune Afrique

La tentative est brutale et coordonnée. L’aéroport et la maison de la radio sont investis, tandis que le palais présidentiel est pris pour cible. Mais les forces loyalistes, dirigées par le général Pierre Semengue, répliquent rapidement. En moins de 24 heures, l’ordre est rétabli. Paul Biya, indemne, s’adresse à la nation. L’échec du putsch est consommé.

La répression qui suit est féroce. Les soupçons se portent immédiatement sur des officiers originaires du Nord, accusés de vouloir restaurer l’ancien président Ahmadou Ahidjo. La purge est sanglante : arrestations massives, exécutions sommaires, et un climat de peur étouffant. Le bilan officiel parle de 70 morts, mais les estimations officieuses évoquent des centaines, voire des milliers de victimes.

Le capitaine Guérandi Mbara : l’homme à abattre

Parmi les cerveaux du coup, un nom hante le pouvoir de Yaoundé : le capitaine Guérandi Mbara. Condamné à mort par contumace, il échappe à la traque et se réfugie au Burkina Faso, accueilli par Blaise Compaoré et Thomas Sankara. Inspiré par leurs actions, Guérandi rêve toujours de renverser le régime camerounais.

Selon le journal Jeune Afrique, Pendant des années, il échappe aux tentatives d’assassinat, devenant un mythe, un fantôme insaisissable. À partir de 2012, il élabore un nouveau plan avec des complices et entre en contact avec Georges Starckmann, un marchand d’armes aux intentions troubles. Ce dernier joue un double jeu, proposant au régime camerounais d’éliminer Guérandi contre une somme faramineuse.

Yaoundé accepte le marché. Une opération est montée, dirigée par un colonel portugais à la retraite, José Alberto Fernandes Abrantes. Le piège est tendu à Porto, sous prétexte d’un voyage pour acheter des armes en Russie. Guérandi tombe dans le piège. Il est assassiné. Le régime camerounais a, cette fois, eu sa revanche.

La traque finale

Le 6 avril 1984 reste un tournant. D’un côté, il marque la fin d’un espoir pour ceux qui voulaient changer le système par la force. De l’autre, il donne à Paul Biya l’occasion d’installer durablement son pouvoir, quitte à gouverner dans la peur et la méfiance ajoute le journal panafricain

Une date, une fracture

41 ans plus tard, les discours des putschistes résonnent encore : unité nationale menacée, démocratie de façade, enrichissement personnel, justice instrumentalisée. Des maux qui, pour beaucoup de Camerounais, restent tristement d’actualité.

Discours des putschistes lu par le sous-lieutenant Yaya Adoum :

Camerounaises, Camerounais,L’armée vient de libérer le peuple de la bande à Biya…[…]Il fallait se remplir les poches avant qu’il ne soit trop tard, et c’était bien de cela qu’il s’agissait. »

Jean Fochivé, l’homme de l’ombre

Le tristement célèbre chef des polices politiques, Jean Fochivé, voit dans ce putsch un montage orchestré pour affaiblir les élites du Nord fidèles à Ahidjo. Dans ses mémoires, il raconte son arrestation, son procès, et la chasse à l’homme qui s’en est suivie. Pour lui, l’objectif caché du pouvoir était clair : éliminer les derniers bastions d’influence d’Ahidjo et verrouiller le pouvoir autour de Paul Biya.L’histoire de Guérandi Mbara, de la tentative de putsch à son assassinat, est racontée dans le livre Rivière de sang. Une plongée dans les arcanes d’un régime qui a survécu à son plus grand choc, au prix du sang.

Rivière de sang” : un livre pour comprendre

L’histoire de Guérandi Mbara, de la tentative de putsch à son assassinat, est racontée dans le livre Rivière de sang. Une plongée dans les arcanes d’un régime qui a survécu à son plus grand choc, au prix du sang.

La santé du président qui question, après 45 ans de règne 

Aujourd’hui, à quelques mois des élections présidentielles de 2025, la santé et l’âge de Paul Biya suscite de nombreuses spéculations. Les interrogations sur sa capacité à poursuivre son mandat se font de plus en plus pressantes.Le contexte est d’autant plus délicat que l’histoire de 1984 a montré que toute fragilité du pouvoir central pouvait être perçue comme une opportunité pour des forces internes de remettre en cause le régime.

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