Alors que le train incarne depuis toujours l’espoir du développement, au Cameroun, il roule désormais au rythme d’une inquiétude croissante. Jets de pierres, sabotages, intrusions sur les voies… Les incidents se multiplient et menacent l’équilibre d’un secteur déjà fragile. Face à cette spirale dangereuse, les autorités ont sonné l’alerte.

Le 6 mai 2025, sous la houlette du Ministre des Transports, Jean Ernest Masséna Ngallè Bibéhè, une session extraordinaire du Comité Interministériel des Infrastructures Ferroviaires (COMIFER) s’est tenue à Yaoundé. Ce n’était pas une simple réunion technique, mais un cri collectif de responsabilité lancé à l’ensemble des acteurs du secteur ferroviaire.
Quand la voie devient un champ de tensions
Le constat est alarmant : augmentation des collisions aux passages à niveau, actes de vandalisme, jets de projectiles sur les convois, blocages délibérés de la voie ferrée par des populations en colère, et même sabotages volontaires. Des incidents qui, au-delà des retards et des coûts matériels, exposent les passagers et les travailleurs à de graves dangers.
« Le rail est une colonne vertébrale de notre économie. Mais cette colonne est fissurée par des comportements irresponsables », a lancé le ministre, le ton grave.
Le problème, selon plusieurs experts présents, dépasse le simple cadre sécuritaire : il est culturel, structurel, et parfois même politique.
Des rails entre fatalisme et espoir
Pour les techniciens de Camrail et les agents sur le terrain, ces incidents ne sont pas que des statistiques. Ce sont des visages, des peurs, des blessures. « Quand un train est caillassé, ce n’est pas juste une vitre qui se brise. C’est la confiance dans le service public qui se fissure », confie un conducteur sous couvert d’anonymat.
Pour certains analystes, ces actes sont les symptômes visibles d’un mal plus profond : le sentiment de marginalisation de certaines communautés traversées par le rail. « Lorsqu’une population se sent ignorée, elle fait parfois du chemin de fer sa caisse de résonance », observe un sociologue présent lors de la session.
Une mobilisation multisectorielle urgente
Le COMIFER appelle désormais à une mobilisation générale. Sensibilisation accrue, renforcement des patrouilles, sanctions plus fermes, mais surtout dialogue avec les communautés riveraines. Car la sécurité ferroviaire ne se décrète pas, elle se construit avec l’humain.
Pour relever le défi, l’État entend aussi miser sur l’innovation : caméras thermiques, drones de surveillance, barrières automatiques intelligentes aux passages à niveau. « Le train de demain doit être plus sûr, plus connecté, mais aussi plus respecté », a insisté un haut responsable de Camrail.
Un train à ne pas rater
À l’heure où le Cameroun projette de moderniser son réseau ferroviaire pour relier plus efficacement ses pôles économiques, l’enjeu dépasse la sécurité : il s’agit de restaurer la foi dans un outil de progrès.
Car si les trains transportent des passagers, ils véhiculent surtout des promesses. Et ces promesses ne doivent pas dérailler.