La décoration de Joël Embiid, basketteur d’origine camerounaise évoluant en NBA sous le maillot des Philadelphia 76ers, en tant que Commandeur de l’Ordre de la Valeur par le président Paul Biya, a suscité une onde de choc et de controverses au Cameroun. Ce geste, pourtant symbolique et censé honorer un fils du pays pour ses accomplissements exceptionnels, dérange profondément, soulevant des questions sur la cohérence des honneurs nationaux et la reconnaissance des talents locaux.
Un Honoré Sous Trois Drapeaux
Joël Embiid, qui possède les nationalités camerounaise, française, et américaine, a choisi de représenter les États-Unis aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Ce choix a laissé un goût amer à de nombreux Camerounais, qui voient en cette décoration une forme de trahison symbolique. Comment, en effet, décorer quelqu’un qui a choisi de défendre les couleurs d’un autre pays au détriment de son pays d’origine, le Cameroun? Cette question est sur toutes les lèvres, d’autant plus que d’autres athlètes camerounais, qui ont représenté le pays dans des conditions souvent difficiles, n’ont pas reçu les mêmes égards à leur retour des JO 2024.
La Binationalité : Une Ambiguïté Juridique
Une autre dimension de la controverse réside dans la question de la binationalité. Au Cameroun, la loi de 1968 portant sur la nationalité est claire : la binationalité n’est pas reconnue. Selon cette loi, tout Camerounais qui acquiert une autre nationalité perd automatiquement la sienne. Cette règle est en place pour garantir la loyauté des citoyens envers la nation. Ainsi, le fait de décorer Embiid, qui a volontairement acquis la nationalité américaine, met en lumière une incohérence perçue dans l’application des lois camerounaises . Comment justifier la reconnaissance d’un citoyen qui, selon la loi en vigueur, aurait dû perdre sa nationalité camerounaise? Cette situation crée une frustration parmi les Camerounais, qui voient là un traitement de faveur qui ne devrait pas avoir lieu.
La Frustration des Athlètes Locaux
L’une des critiques les plus vives vient de la communauté des sportifs locaux, qui pourraient se sentir délaissés par les autorités. Alors que Joël Embiid est honoré en grande pompe pour ses exploits réalisés sous un autre drapeau, les athlètes camerounais qui ont porté les couleurs nationales aux Jeux Olympiques de Paris 2024 sont rentrés au pays dans l’indifférence. Ce contraste est particulièrement frappant et alimente le ressentiment contre une élite politique accusée de privilégier la reconnaissance internationale au détriment des efforts et des sacrifices des sportifs locaux .
Un Message Ambigu aux Jeunes
En honorant Joël Embiid, le Cameroun envoie un message ambigu à sa jeunesse : faut-il émigrer et briller sous un autre drapeau pour être reconnu chez soi? Cette question est au cœur du débat sur la gestion des talents et des ressources humaines au Cameroun. Si la reconnaissance de l’excellence doit être encouragée, le fait de la subordonner à une reconnaissance internationale, surtout sous un autre drapeau, pose un problème de fond sur la valorisation des compétences locales.
La décoration de Joël Embiid soulève une myriade de questions sur la cohérence et la justice dans la reconnaissance des talents au Cameroun. Elle met en lumière les contradictions entre les lois sur la nationalité, les attentes de la diaspora, et les aspirations des jeunes sportifs locaux. Alors que la polémique enfle, il est crucial pour les autorités de réévaluer la manière dont elles honorent les citoyens et de veiller à ce que les honneurs nationaux renforcent, plutôt que divisent, l’unité nationale et la fierté camerounaise.
