CAMEROUN: OÙ EST L’ÉLECTRICITÉ ?

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Le Cameroun continue de faire face à une crise énergétique majeure. Un rapport récent de la Chambre des comptes de la Cour suprême révèle qu’entre 2018 et 2021, le nombre de délestages a été multiplié par quatre. Malgré l’entrée en production du barrage de Nachtigal, qui injecte désormais 420 MW supplémentaires dans le réseau national, les coupures d’électricité persistent, mettant en lumière les faiblesses du système de transport et de distribution de l’énergie dans le pays.

Un rapport accablant sur l’état du réseau électrique

Audité par la Chambre des comptes, le programme 422 « Accès à l’énergie » du ministère de l’Eau et de l’Énergie expose des failles majeures dans la gestion du réseau électrique. D’après le rapport publié le 15 mars dernier, la durée moyenne des interruptions a fluctué ces dernières années :

2018 : 98,5 minutes

2020 : 142,7 minutes

2021 : 43,7 minutes

Toutefois, cette amélioration en 2021 ne s’est pas traduite par une meilleure qualité de service. La Chambre des comptes met en cause la société Eneo, concessionnaire du réseau de commercialisation de l’électricité, pour ses contre-performances. « Les indicateurs de performance assignés à Eneo, visant à réduire la fréquence et la durée des coupures d’électricité, ne montrent aucune amélioration substantielle durant la période sous revue », souligne le rapport.

L’un des points critiques relevés est l’augmentation du volume d’énergie produite mais non distribuée, qui est passé de 71,3 GWh en 2019 à 103,5 GWh en 2020. Cette situation est due à plusieurs facteurs :

Un réseau vétuste, avec des poteaux en bois vieillissants et des transformateurs hors service.

Des travaux programmés sur les infrastructures, entraînant des interruptions.

La limitation de puissance du barrage de Lagdo, qui a vu son niveau d’eau baisser de 2 milliards de m³ en 2020 à 1,7 milliard de m³ en 2021, affectant l’alimentation du Réseau interconnecté Nord (RIN).

Une crise qui s’aggrave en 2025

Depuis un mois, les délestages se sont intensifiés sur le Réseau interconnecté Sud (RIS), qui dessert sept des dix régions du Cameroun. À Yaoundé, par exemple, les coupures annoncées pour durer entre 4 et 6 heures s’étendent souvent sur plusieurs jours, perturbant gravement la vie des habitants et des entreprises.

Eneo justifie ces interruptions par des incidents multiples sur le réseau de transport, géré par la Société nationale de transport de l’électricité (Sonatrel) :

Chutes de poteaux causées par leur vétusté.

Ruptures de câbles après des intempéries.

Incendies de transformateurs liés aux surcharges.

Un point de tension majeur concerne le poste de transformation de Nyom, nouvellement construit à la périphérie de Yaoundé. Malgré son rôle clé dans l’évacuation de l’énergie produite par le barrage de Nachtigal, ce poste est régulièrement touché par des incidents, aggravant les coupures.

Nachtigal : une production record, mais inutilisable à 100 %

Le barrage hydroélectrique de Nachtigal, en cours d’inauguration, injecte officiellement 420 MW dans le réseau depuis le 18 mars 2025, augmentant de 30 % la capacité énergétique du Cameroun. Pourtant, les consommateurs n’en voient pas encore les effets.

En cause :

Des infrastructures de transport incomplètes, empêchant la pleine utilisation de l’énergie produite.

Un réseau vieillissant, incapable d’absorber cette nouvelle production.

Une demande industrielle supplémentaire, estimée à plus de 300 MW, qui accentue la pression sur l’offre existante.

Un paradoxe financier : 10 milliards de FCFA par mois pour une énergie sous-utilisée

Un autre aspect préoccupant est la contrainte financière imposée par l’accord entre l’État du Cameroun et NHPC, l’entreprise en charge du barrage de Nachtigal. Selon les termes du contrat, dès que l’ensemble des 420 MW devient disponible, l’État doit s’acquitter d’une facture mensuelle de 10 milliards de FCFA, qu’il parvienne ou non à consommer cette énergie.

Autrement dit, bien que Nachtigal soit pleinement opérationnel, les Camerounais continuent de subir des coupures prolongées, tandis que le gouvernement doit payer pour une électricité qui n’atteint pas toujours les consommateurs.

Des solutions urgentes à mettre en place

La mise en service de Nachtigal aurait pu être une avancée majeure pour le Cameroun en matière d’accès à l’énergie. Toutefois, sans une modernisation rapide du réseau de transport et de distribution, cette avancée restera largement inefficace.

Pour éviter une aggravation de la crise énergétique, plusieurs actions s’imposent :

Accélérer l’achèvement des infrastructures de transport de Nachtigal.

Renforcer l’entretien et la modernisation du réseau existant.

Investir dans des solutions alternatives comme l’énergie solaire et l’extension du mix énergétique.

En attendant ces mesures, entreprises et ménages continuent de broyer du noir, illustrant une contradiction criante : un pays qui paie pour une électricité qu’il peine à consommer.

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