CAMEROUN – RÉUNIFICATION : 63 ANS DÉJÀ

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Ce 1er octobre 2024, le Cameroun célèbre ses 63 ans de réunification, après la période des indépendances de 1960. En effet, le 1er octobre 1961, le Cameroun français, et le Cameroun britannique décident par l’entremise de Ahmadou Ahidjo et John Ngu Foncha de former un Etat fédéral. 63 ans après cette réunification, que peut-on retenir de l’état du Cameroun? Quelle lecture fait-on de la situation sociopolitique du pays ?

Monument symbole de la réunification du Cameroun

Les circonstances et le contexte de la réunification

Le 1er janvier 1960, le Cameroun français accède à l’indépendance et prend le nom de « République du Cameroun » avec à sa tête Ahmadou Ahidjo après une guerre d’indépendance menée depuis 1955 contre les autorités coloniales françaises.

Cependant au Cameroun britannique, un référendum d’autodétermination se tient le 11 février 1961 sous la supervision de l’ONU, laissant le choix aux populations locales de s’unir soit à la nouvelle République du Cameroun, soit à la Fédération du Nigeria.

Un vote en faveur du rattachement au Nigeria est attendu au Cameroun septentrional, longtemps administré par le gouvernement provincial du Nigeria du Nord, d’autre part, on s’attend à ce que le Cameroun méridional vote en faveur de son rattachement à la République du Cameroun, mais dans cette région, deux grands partis politiques s’opposent sur cette question. Le Parti démocratique national du Kamerun (KNDP) présidée par John Ngu Foncha, Premier ministre du Cameroun méridional prône le rattachement au Cameroun anciennement français, tandis que la Convention nationale du peuple camerounais, dirigée par Emmanuel Mbela Lifafe Endeley, préconise plutôt l’union au Nigeria.

Finalement, la majorité du Cameroun septentrional vote en faveur de l’adhésion au Nigeria (60 %), avec effet au 1er juin 1961, tandis que 70,5 % du Cameroun méridional vote en faveur de l’adhésion au Cameroun, avec effet au 1er octobre 1961.

La déchirure est de plus en plus apparente

John Nguini Foncha, premier vice président de l’état fédéral du Cameroun

La situation sociopolitique du Cameroun, n’est pas des plus enviables en Afrique centrale depuis plus de 15 ans. Autrefois réunie pour bâtir la souveraineté nationale, les populations se déchirent aujourd’hui entre crises identitaires, et réclamations sécessionnistes. La parfaite illustration de cette situation reste la crise dite “anglophone” , l’une des pires crises sociopolitiques qui accable le Cameroun depuis bientôt 10 ans.

Pour mieux comprendre cette crise, remontons l’histoire en interrogeant les frustrations politiques qui ont été à l’origine.

Selon certains historiens, en 1975, le gouvernement a supprimé l’une des deux étoiles du drapeau, autre symbole de la fédération entre les deux États fédérés, créant un nouveau drapeau avec une seule étoile. Le 6 novembre 1982, Ahmadou Ahidjo démissionne et cède le pouvoir à Paul Biya qui poursuit les politiques d’Ahmadou Ahidjo et, après une querelle avec ce dernier et une tentative de coup d’État, a consolidé le pouvoir en lui-même. En février 1984, le président Paul Biya change le nom officiel du pays de la République unie du Cameroun; le nom adopté après l’unification avec le Cameroun méridional en République du Cameroun. Il déclare ensuite avoir pris cette mesure pour affirmer la maturité politique du Cameroun et démontrer que le peuple a surmonté ses barrières linguistiques et culturelles, mais de nombreux résidents de l’ancien Cameroun méridional y voient une nouvelle étape pour effacer leur culture et leur histoire distinctes.

À partir du milieu des années 1980, la rupture entre les élites de l’ancien Cameroun méridional et le gouvernement central majoritairement francophone est devenue de plus en plus évidente. L’exclusion politique, l’exploitation économique et l’assimilation culturelle sont critiquées de plus en plus ouvertement. Au début de l’année 1985, l’avocat anglophone et président de l’Association du Barreau camerounais, Fongum Gorji Dinka, fait circuler un certain nombre d’essais et de pamphlets affirmant que le gouvernement du président Paul Biya est inconstitutionnel et appelant à une République indépendante d’Ambazonie.

En 1990, les partis politiques d’opposition ont été légalisés et John Ngu Foncha, le principal anglophone du gouvernement camerounais, a démissionné du parti au pouvoir et a résumé une grande partie du mécontentement concernant l’attitude du gouvernement central envers les régions anglophones dans sa lettre de démission publique.

En novembre 2016, un certain nombre de grandes manifestations et grèves ont été organisées, initialement par des avocats, des étudiants et des enseignants anglophones, axées sur la marginalisation croissante de l’anglais et des institutions anglophones dans le droit et l’éducation. Plusieurs manifestations ont été violemment dispersées par les forces de sécurité, ce qui a conduit à des affrontements entre les manifestants et la police au cours desquels plusieurs personnes ont été tuées. La violence des deux parties a compromis les négociations au début de 2017, qui ont échoué sans accord.

Ahmadou Ahidjo, premier président du Cameroun

Fin 2017, alors que les efforts de dialogue étaient moribonds et que la violence se poursuivait des deux côtés, les principaux mouvements séparatistes ont organisé l’organisation faîtière Front uni du consortium Ambazonie-Cameroun méridional (SCACUF). Le SCACUF a déclaré unilatéralement l’indépendance des deux régions anglophones du Cameroun en tant que République fédérale d’Ambazonie le 1er octobre, date de la levée de la tutelle britannique sur le Cameroun méridional.

Une crise aux conséquences désastreuses

Les violences dans les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest se sont poursuivies pour la sixième année, bien que le président Paul Biya ait déclaré en janvier que de nombreux groupes séparatistes armés s’étaient rendus et que la menace qu’ils représentaient avait été considérablement réduite. En milieu d’année, il y avait plus de 638 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays dans les régions anglophones et au moins 1,7 million ayant besoin d’une aide humanitaire.

Les séparatistes armés, qui ont imposé par la violence un boycott de l’éducation depuis 2017, ont continué d’attaquer les écoles, les élèves et les professionnels de l’éducation. Des attaques contre les infrastructures et le personnel scolaire ont été enregistrées en 2023, dans la continuité des attaques systématiques contre l’éducation menées tout au long de la crise.

Les civils ont fait face à des meurtres et des enlèvements par des groupes islamistes armés dans la région de l’Extrême-Nord, notamment par Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Islamic State in West Africa Province, ISWAP). Entre janvier et juillet, au moins 169 civils sont morts dans des attaques menées par des acteurs non étatiques.

63 ans de réunification, que retenir ?

Au-delà des crises identitaires et socio-politiques qui perdurent, entraînant avec elles une dégradation profonde du tissu social du pays, la réunification du Cameroun reste pour de nombreux camerounais un pan important pour son histoire et son peuple. Ce qui convient de retenir après 63 ans est le désir profond de chaque camerounais dans la consolidation et la construction de l’unité nationale.

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