Dans une petite salle du Consortium des Journalistes Centrafricains de Lutte contre la Désinformation, une dizaine de fact-checkeurs sont en pleine activité. Leur mission ? Traquer et démanteler les faux comptes qui prolifèrent sur les réseaux sociaux en Centrafrique. Ce matin-là, l’équipe concentre ses efforts sur une dizaine de comptes suspects récemment apparus.
La Centrafrique fait face ces dernières années à une forte augmentation des campagnes de désinformation, avec des milliers de faux profils, qui contribuent à la propagation de cette désinformation.
Arsène Mosseavo, un journaliste-fact-checkeur chevronné, montre avec méthode comment il parvient à déceler un compte avatar. « Nous utilisons plusieurs paramètres, comme Google Image, pour vérifier l’authenticité des photos. Souvent, ces comptes sont créés pour servir les intérêts d’acteurs politiques ou diplomatiques, en semant la confusion ou en ternissant des réputations », explique-t-il.
Les faux comptes sont devenus une arme redoutable en Centrafrique, utilisés pour créer des controverses anonymes et manipuler l’opinion publique. Ils causent des dommages considérables, allant des atteintes à la vie privée à des arnaques financières. Malgré un combat difficile, les fact-checkeurs persistent, collaborant étroitement avec les plateformes de réseaux sociaux pour signaler et faire fermer ces comptes.
Dans une autre petite salle de 10m², l’équipe de Centrafrique-Check, une autre organisation dédiée à la lutte contre la désinformation, travaille sans relâche. Line Britnay Ngalingno, la directrice, décrit les défis quotidiens : « Nous faisons face à deux types de faux comptes : ceux qui se font passer pour des personnes réelles et ceux qui créent de toutes pièces des identités fictives. Nous utilisons des méthodes basées sur l’observation minutieuse et l’esprit critique pour déceler ces comptes frauduleux. »
Les moyens sont limités, mais l’équipe parvient tout de même à identifier des faux comptes en se basant sur des indices subtils comme la date de création du compte, la quantité et la nature des contenus partagés, ou encore le style d’écriture utilisé.
Cependant, un obstacle majeur se dresse sur leur chemin : l’absence de cadre législatif en matière de régulation de l’internet en Centrafrique. Rosmon Zokouè, un expert en désinformation, souligne la difficulté de mener ces enquêtes sans un cadre juridique approprié. « Le manque de lois spécifiques sur la protection des données personnelles et la vie privée complique notre travail. Pourtant, nos efforts ont permis de fermer plusieurs comptes, bien que la lutte soit loin d’être terminée », déclare-t-il.
À ce jour, plusieurs faux comptes ont été identifiés et signalés à la justice, qui poursuit ses enquêtes. Dans ce contexte où la désinformation menace la stabilité sociale, ces initiatives représentent un rempart essentiel contre les dangers d’une manipulation numérique croissante en Centrafrique.