Le gouvernement ivoirien a récemment adopté le DÉCRET N° 2025-120 DU 26 FÉVRIER 2025, prolongeant significativement les congés de maternité et de paternité pour les fonctionnaires. Désormais, les congés de maternité passent de trois (3) à six (6) mois, tandis que les pères bénéficient de 30 jours de congé de paternité, à prendre dans les trois mois suivant la naissance de leur enfant. Cette réforme, annoncée par le ministère de la Fonction publique le 13 mars 2025, marque un tournant dans la politique sociale du pays.

Le congé de maternité est divisé en deux périodes : une période prénatale de huit semaines et une période post-natale de seize semaines. La demande doit être faite huit semaines avant la date prévue d’accouchement, accompagnée d’un certificat médical. Si l’accouchement survient après la date initialement prévue, la période post-natale de seize semaines reste acquise. En cas d’incapacité à reprendre le travail après ces six mois, la femme peut être placée en congé de maladie de courte durée après avis du Conseil de Santé et Sécurité au Travail de la Fonction Publique.
Conditions d’adoption de cette décision
Cette réforme est le fruit de longues négociations entre le gouvernement, les syndicats et les organisations de défense des droits des femmes. Depuis plusieurs années, les associations féminines plaidaient pour un allongement du congé de maternité, afin de permettre aux mères de mieux récupérer après l’accouchement et de garantir un allaitement optimal pour leurs enfants. L’adoption de cette mesure s’inscrit également dans les engagements internationaux de la Côte d’Ivoire en matière de protection sociale et de promotion des droits des femmes. Le gouvernement a été influencé par des recommandations d’organismes comme l’Organisation internationale du travail (OIT), qui préconise un minimum de 14 semaines de congé maternité, et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui encourage un allaitement exclusif pendant six mois.

Cependant, cette décision ne concerne que la fonction publique. Dans le secteur privé, les congés de maternité restent limités à quatorze semaines (trois mois et demi), une situation que de nombreuses travailleuses dénoncent, espérant un élargissement de ces avantages à toutes les salariées du pays.
Une première en Afrique ?
L’extension du congé de maternité à six mois fait de la Côte d’Ivoire l’un des pays les plus avancés d’Afrique en matière de protection des femmes fonctionnaires après l’accouchement. Cependant, elle n’est pas totalement une première sur le continent. En Afrique du Sud, les mères bénéficient de quatre mois de congé maternité, mais sans congé de paternité rémunéré obligatoire. Au Kenya, les employées ont droit à trois mois de congé maternité et les pères à deux semaines. Le Burkina Faso accorde 14 semaines soit 3 mois et demi de congé maternité avec maintien de salaire. En revanche, dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, comme le Togo ou le Bénin, la durée du congé maternité reste fixée à quatorze semaines, le minimum recommandé par l’Organisation internationale du travail.
La Côte d’Ivoire devient ainsi un modèle dans la sous-région, et cette réforme pourrait inspirer d’autres gouvernements à adopter des mesures similaires.
Cas similaires à travers le monde
La tendance à l’allongement des congés parentaux ne se limite pas à l’Afrique. Plusieurs pays offrent des dispositifs bien plus généreux. En Suède, les parents disposent de 480 jours de congé parental soit environ 16 mois à partager, rémunérés à environ 80 % du salaire. En Estonie, les mères bénéficient de 140 jours de congé maternité, soit environ 4 mois et 20 jours et les parents ont droit à 435 jours, soit environ 14 mois et 15 jours de congé parental partagé. En France, le congé maternité est de 16 semaines, soit 4 mois et le congé de paternité a été récemment porté à 28 jours. En Allemagne, le congé parental peut aller jusqu’à 14 mois, avec une rémunération partielle. En Chine, le congé de maternité atteint 24 semaines (six mois), payées à 100 % du salaire.
Ces exemples montrent que la Côte d’Ivoire suit une tendance mondiale vers une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, mais avec des disparités encore importantes selon les régions du monde.

Source : BSI Economics, Auteur utilisant les données de l’OCDE.
Condition des femmes post-accouchement et emploi
Après l’accouchement, de nombreuses femmes rencontrent des difficultés à réintégrer le marché du travail. L’absence prolongée peut ralentir leur évolution professionnelle, notamment dans les entreprises privées où la durée du congé maternité est souvent perçue comme un facteur limitant pour la promotion des femmes. Dans certains pays, comme l’Allemagne, une proportion significative de femmes travaille à temps partiel après la maternité, souvent sous l’effet de structures fiscales et de normes culturelles favorisant le modèle d’une mère au foyer. En revanche, en France et en Scandinavie, des politiques de crèches subventionnées et de temps de travail flexible permettent aux mères de reprendre plus facilement leur emploi.
En Côte d’Ivoire, l’allongement du congé de maternité pourrait améliorer la qualité de vie des mères, mais aussi augmenter le risque de discrimination à l’embauche. Certaines entreprises privées pourraient hésiter à employer des jeunes femmes, craignant des absences prolongées.
Répercussions potentielles d’une telle décision
L’allongement du congé de maternité présente des avantages mais aussi des défis économiques et organisationnels.
Avantages:
- Meilleure récupération physique et psychologique des mères après l’accouchement.
- Amélioration des conditions d’allaitement, favorisant la santé des nouveau-nés.
- Équilibre vie professionnelle et vie familiale, réduisant le stress des jeunes parents.
- Motivation et fidélisation des employées dans la fonction publique.
- Défis et inconvénients
- Impact sur la productivité : L’absence prolongée de nombreuses fonctionnaires peut ralentir l’administration publique.
- Coût financier pour l’État : Une masse salariale inchangée malgré des périodes d’inactivité plus longues.
- Inégalité entre fonctionnaires et salariés du privé : La majorité des travailleuses ivoiriennes n’aura pas accès aux six mois de congé maternité.
- En conclusion, la Côte d’Ivoire fait un pas significatif vers une meilleure protection des mères et des familles, au prix d’un réajustement économique et organisationnel. Cette décision pourrait inspirer d’autres pays africains à revoir leurs politiques sociales, tout en posant la question de son extension au secteur privé.