Le football est souvent un terrain fertile pour les déclarations audacieuses, et Alex Song n’a pas manqué de le prouver lors d’une récente interview accordée à Passion Foot Invest. Fraîchement retraité, l’ancien international camerounais n’a pas mâché ses mots en revendiquant le titre de meilleur milieu camerounais du XXIe siècle. « Sur les 20 dernières années, il n’y a aucun footballeur camerounais qui a fait ce que j’ai fait au milieu de terrain », a-t-il affirmé avec une assurance déconcertante, fermant la porte à toute remise en question.
Pour un joueur qui a marqué son époque, notamment avec des clubs prestigieux comme Arsenal et le FC Barcelone, la prétention pourrait sembler justifiée. Après tout, il fait partie des rares Camerounais à avoir évolué au sommet du football européen pendant plusieurs saisons consécutives. Mais peut-on réellement lui attribuer ce statut sans questionner l’ampleur de ses propos ?
De ses débuts prometteurs à Bastia à sa consécration en Premier League avec Arsenal, Alex Song a laissé une empreinte indélébile. Son transfert retentissant au Barça, en 2012, fut l’aboutissement d’années de performances solides et d’une vision de jeu unique. Cette même année, Song finit troisième au Ballon d’Or africain, derrière des légendes comme Yaya Touré et Didier Drogba. Il souligne d’ailleurs ce fait pour justifier sa déclaration : « Si je suis parmi les trois derniers au Ballon d’Or africain, ça veut tout dire. »
Certes, il n’a jamais été un buteur prolifique ou un joueur flamboyant, mais son rôle de sentinelle devant la défense, capable de casser les lignes avec des passes millimétrées, a fait de lui un élément incontournable, aussi bien en club qu’en sélection nationale. Son influence sur le jeu et sa capacité à organiser le milieu de terrain en ont fait un des joueurs les plus respectés de sa génération. Toutefois, cet argument est-il suffisant pour balayer la concurrence ?
Le Cameroun a toujours produit des milieux de terrain de grande qualité, et ces dernières années, un autre nom s’impose naturellement dans ce débat : André-Frank Zambo Anguissa. Véritable clé de voûte du SSC Naples, il a été l’un des artisans majeurs du titre de champion d’Italie en 2022-2023, mettant fin à une disette de 30 ans pour le club napolitain. Sa régularité et son impact dans l’entrejeu, tant en club qu’en sélection, en font aujourd’hui un des meilleurs milieux africains. Son style de jeu, plus moderne, orienté sur la récupération et la relance rapide, est en phase avec les exigences tactiques du football contemporain.
Anguissa incarne cette nouvelle génération de joueurs caméléons, capables de s’adapter à plusieurs systèmes de jeu tout en maintenant une constance impressionnante. Si Alex Song a brillé par ses performances dans des équipes étoilées, Anguissa se distingue par sa capacité à transcender une équipe entière, ce qui, dans l’optique des observateurs actuels, pourrait lui conférer un avantage sur Song.
Là où Song voit une carrière parsemée de grands clubs et de distinctions personnelles, ses détracteurs pointent du doigt certaines périodes en demi-teinte. Ses saisons au FC Barcelone, par exemple, ont souvent été marquées par des prestations irrégulières et un statut de remplaçant plus que de titulaire indiscutable. Certains estiment que son aventure catalane a été un frein à sa progression, tandis que d’autres louent simplement le fait d’avoir su s’imposer dans l’élite mondiale.
Par ailleurs, sa carrière en sélection nationale, bien que respectable avec plusieurs participations à la Coupe d’Afrique des Nations et à la Coupe du Monde, n’a jamais atteint les sommets d’un Stéphane Mbia, par exemple, qui a remporté la CAN en 2017, ou d’un Geremi Njitap, véritable leader au sein des Lions Indomptables durant les années 2000.
Si Alex Song a sans doute été l’un des milieux les plus talentueux de sa génération, sa déclaration sur le fait d’être le meilleur Camerounais de ce siècle dans l’entrejeu pourrait paraître prématurée, voire exagérée. Le football camerounais regorge de talents, passés et présents, et réduire cette riche histoire à une seule carrière semble limiter l’étendue des contributions de nombreux autres joueurs.
L’ancien Lion Indomptable a, sans aucun doute, marqué les esprits, mais la réalité du football, c’est que le jeu est un sport collectif, où le succès ne se mesure pas uniquement par les exploits individuels. Alex Song peut être fier de ses accomplissements, mais le titre de meilleur milieu camerounais du XXIe siècle restera toujours ouvert à la discussion – une discussion à laquelle des noms comme Zambo Anguissa, Stéphane Mbia, ou encore Geremi Njitap méritent amplement d’être associés.
Au final, au-delà des statistiques et des trophées, le véritable héritage se trouve peut-être dans la trace que l’on laisse dans l’esprit des supporters, et sur ce point, Song aura certainement réussi à créer la polémique. Un héritage d’audace et de grandeur, à l’image du joueur qu’il a toujours été.