GABON – LA TRAQUE AUX FONCTIONNAIRES INVISIBLES

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Depuis le 25 octobre, le Gabon est en pleine effervescence. Le gouvernement a lancé une vaste campagne de recensement de ses fonctionnaires, invitant chaque agent public à se présenter physiquement pour toucher son salaire. Cette mesure fait suite à un audit retentissant qui a révélé l’existence de plus de 13 000 « fonctionnaires fantômes » – des salariés qui continuent de toucher leurs paies alors qu’ils ne devraient pas.

40 000 fonctionnaires “fantômes” repérés dans plusieurs ministères

Un choc pour les finances publiques

L’audit, mené dans un contexte de redressement des finances publiques, a mis en lumière un phénomène préoccupant : des agents en situation d’abandon de poste perçoivent encore leurs salaires chaque mois. Certains sont même à l’étranger, refaisant leur vie loin du Gabon tout en restant « fonctionnaires » de l’État. Face à cette situation, le gouvernement de transition n’a pas tardé à réagir. En quelques semaines, un nettoyage des fichiers a permis de ramener ce chiffre à environ 9 000, écartant les cas de décès, de retraite ou de radiation.

Recensement sous haute tension

Dans les rangs des fonctionnaires, l’annonce de cette campagne a provoqué un mélange de crainte et de frustration. Si pour certains, comme Sosthène Otogho, l’initiative est nécessaire pour « nettoyer » les fichiers et assainir la fonction publique, d’autres, à l’image d’Aimé Mapangou, expriment leur ras-le-bol. « Nous passons tout le temps à être recensés mais sans résultat », s’indigne ce professeur de français. Selon lui, les véritables « fantômes » échappent toujours aux filets des audits.

Un poids pour l’économie

Le Gabon, pays d’un peu plus de 2,4 millions d’habitants, compte environ 109 000 fonctionnaires, une proportion élevée. La masse salariale de l’État, qui ne cesse de croître, est passée de 704 à 771 milliards de F CFA dans le budget 2024. Pour un pays en quête de stabilisation économique, cette inflation des coûts est un véritable défi. Mais les responsables du recensement sont clairs : il ne s’agit pas seulement d’une question de chiffres, mais de réformer en profondeur la fonction publique pour la rendre plus efficace.

Ministère de la Fonction publique à Libreville

Un tournant sous la transition militaire

Sous le régime de l’ancien président Ali Bongo, des tentatives similaires avaient été entreprises, mais sans aboutir à de véritables sanctions. Le lieutenant-colonel Ossiba, membre de la Task Force en charge du recensement, se veut optimiste. Pour lui, « le but est de redresser les comportements et de changer les mauvaises pratiques », soulignant que l’époque où l’on fermait les yeux sur ces irrégularités est révolue.

Un test pour l’avenir

Cette campagne de recensement est perçue par beaucoup comme un test pour le nouveau pouvoir de transition. Parviendra-t-il à mettre un terme aux abus qui gangrènent la fonction publique ? Le sort des milliers d’agents concernés reste incertain. Ceux qui ne se présenteront pas risquent des sanctions sévères, allant de la suspension à la radiation. Le Gabon semble décidé à tourner une page de son histoire administrative, mais le chemin s’annonce encore long et semé d’embûches.

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