L’Église catholique du Kenya a récemment décliné une donation d’environ 40 000 dollars (32 000 livres sterling) offerte par le président William Ruto. Ce geste, présenté comme un soutien à la construction d’une maison pour les prêtres et un cadeau pour la chorale, a été fait lors d’une messe dominicale à l’église catholique de Soweto, à Nairobi.

Une donation rejetée pour des raisons éthiques
La décision de refuser cette contribution intervient dans un contexte tendu, marqué par les critiques des évêques catholiques envers le gouvernement pour ses promesses non tenues. Ces derniers ont dénoncé une instrumentalisation des institutions religieuses à des fins politiques.
L’archevêque de Nairobi, Philip Anyolo, a justifié cette position en affirmant : « L’Église catholique décourage fermement l’utilisation des événements religieux, tels que les collectes de fonds et les rassemblements, comme plateformes de promotion politique. »
En plus des 2,6 millions de shillings kényans (20 000 dollars) donnés en espèces, le président avait promis de compléter le reste de la somme plus tard et d’offrir un bus à la paroisse. Ces engagements ont également été rejetés. Par ailleurs, une donation de 200 000 shillings (environ 1 350 dollars) faite par le gouverneur de Nairobi, Johnson Sakaja, lors de la même cérémonie, a été retournée.
Église et politique : une relation de plus en plus fragile
Ce rejet reflète une détérioration des relations entre l’Église et les institutions politiques au Kenya. Bien que plus de 80 % de la population soit chrétienne, les liens historiques entre Église et pouvoir sont remis en question, notamment par les jeunes.
Ces derniers reprochent aux Églises de ne pas s’opposer aux décisions impopulaires du gouvernement, comme l’imposition de nouvelles taxes. Sous le hashtag #OccupyChurch, de nombreux manifestants ont exprimé leur mécontentement sur les réseaux sociaux, accusant les institutions religieuses de complicité tacite.
En juillet, la pression populaire a contraint le gouvernement à retirer un projet de loi controversé sur les finances. Toutefois, le mécontentement persiste, renforcé par une récente déclaration de la Conférence des évêques catholiques du Kenya, qui accuse le gouvernement de « perpétuer une culture du mensonge ».
Les évêques ont également dénoncé la surimposition, la corruption, la violation des droits humains, et la dégradation des services publics, notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé.

Des soutiens au sein d’autres confessions chrétiennes
La prise de position de l’Église catholique a reçu un soutien notable de l’Église anglicane du Kenya. L’archevêque Jackson Ole Sapit a salué la déclaration des évêques catholiques, affirmant qu’ils avaient exprimé les préoccupations de nombreux citoyens.
« Les évêques [catholiques] ont fidèlement décrit la réalité sur le terrain », a-t-il déclaré, tout en critiquant ceux qui tentent de discréditer ces leaders religieux.
Une Église face à un dilemme
Avec environ 10 millions de fidèles, soit 20 % de la population, l’Église catholique reste une force sociale importante au Kenya. Cependant, son rôle est de plus en plus scruté à mesure que la société kényane exige plus de transparence et de neutralité face aux enjeux politiques.
La décision de refuser la donation du président Ruto marque un tournant symbolique dans cette relation complexe. Elle envoie un message fort sur la nécessité pour les institutions religieuses de maintenir leur indépendance et de défendre les valeurs éthiques, même dans un contexte de pressions politiques croissantes.