Le Kenya, l’une des plus grandes économies d’Afrique de l’Est, a récemment été secoué par une vague de manifestations sans précédent, obligeant le président William Ruto à reculer sur une série de taxes impopulaires. Cette crise révèle des dynamiques qui pourraient bien concerner l’ensemble du continent africain, où des populations de plus en plus connectées et informées refusent de payer le prix des erreurs de leurs dirigeants.
La situation au Kenya n’est pas survenue de manière isolée. Depuis des mois, une colère latente couvait au sein de la population, exacerbée par des décisions gouvernementales perçues comme déconnectées des réalités quotidiennes. Les investissements massifs dans les infrastructures, tels que l’autoroute qui traverse Nairobi, se sont avérés inaccessibles pour la majorité des Kényans, illustrant le fossé grandissant entre les élites et le peuple.
Avec une dette colossale de 80 milliards de dollars, représentant 70 % du PIB, et un service de la dette qui consomme près de la moitié des recettes publiques, le Kenya est pris dans une spirale financière qui menace sa stabilité. L’élection de William Ruto en août 2022 avait suscité des espoirs de redressement économique, mais les mesures impopulaires, comme la suppression des subventions sur les produits alimentaires et les carburants, n’ont fait qu’aggraver la situation.
L’Étincelle qui a Tout Changé
Mi-juin 2024, le Parlement kényan s’apprête à voter une nouvelle série de taxes sur des biens de première nécessité, y compris le pain et l’huile de cuisson. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Un mouvement spontané, baptisé « Occupy Parliament », émerge sur les réseaux sociaux, rassemblant des milliers de jeunes dans les rues. La répression qui s’ensuit est brutale, avec plus de 40 morts et des dizaines de disparus, mais elle ne parvient pas à étouffer la contestation. Sous la pression, le président Ruto retire le projet de loi et procède à un remaniement gouvernemental majeur.
Une Leçon pour l’Afrique
La situation au Kenya devrait servir de leçon aux dirigeants africains. Les jeunes, de plus en plus connectés et désabusés, ne sont plus disposés à tolérer les inégalités croissantes, la corruption endémique et les politiques économiques qui les étranglent. La révolte kényane, bien que localisée, illustre une tendance plus large : celle d’une population qui refuse de faire les frais des errances budgétaires de ses dirigeants.
Pour de nombreux pays africains, où les défis de la gouvernance, de la corruption et de l’endettement sont similaires, les événements du Kenya sont un avertissement. À l’heure des réseaux sociaux, aucun pays n’est à l’abri d’un scénario similaire. Si les dirigeants n’y prennent garde, les mêmes causes pourraient produire les mêmes effets, avec des conséquences potentiellement déstabilisatrices pour tout le continent.
Le recul de William Ruto face à la colère populaire montre que, face à un peuple déterminé, même les dirigeants les plus puissants ne peuvent ignorer les revendications de ceux qu’ils gouvernent. L’Afrique entière devrait en prendre note.