Une étude publiée le 28 Octobre 2024 dans l’International Journal of Health Geographics par des chercheurs de l’Institut Tropical et de Santé Publique Suisse (Swiss TPH) et de l’Institut de Recherche Médicale du Kenya (KEMRI), révèle que le changement climatique et les évolutions socio-économiques influencent la propagation du paludisme au Kenya. En utilisant une modélisation géostatistique avancée, l’étude a constaté qu’en dépit d’un déclin global du paludisme, le risque de la maladie a considérablement augmenté dans certaines régions. Les résultats soulignent la nécessité urgente de stratégies de santé publique sur mesure, capables de s’adapter aux impacts du changement climatique.

Au Kenya, le paludisme demeure un enjeu majeur de santé publique, touchant particulièrement les enfants de moins de cinq ans. Avec plus de 5 millions de cas recensés chaque année, le changement climatique pourrait aggraver la situation en favorisant la propagation de la maladie dans de nouvelles zones.
Une récente étude, publiée dans l’International Journal of Health Geographics, menée par des chercheurs de l’Institut Tropical et de Santé Publique Suisse (Swiss TPH) et de l’Institut de Recherche Médicale du Kenya (KEMRI), fournit des informations cruciales sur l’influence des facteurs climatiques comme les précipitations et les températures, ainsi que des changements socio-économiques, tels que l’urbanisation et les interventions antipaludiques, sur la transmission de cette maladie au Kenya.
« En utilisant des modèles géostatistiques avancés basés sur des enquêtes nationales sur le paludisme entre 2015 et 2020, nous avons observé qu’en dépit d’une baisse générale du paludisme, le risque a fortement augmenté dans certaines régions, en particulier dans le nord du Kenya », a expliqué Bryan Nyawanda, chercheur au Swiss TPH. « Nos résultats révèlent que les actions de santé publique doivent évoluer rapidement pour faire face au paludisme dans un contexte de changement environnemental. »
Évolution du paludisme et impact climatique
L’étude montre qu’entre 2015 et 2020, le Kenya a enregistré une baisse notable de la prévalence globale du paludisme, qui est passée de 8 % à 6 %, notamment chez les enfants. Les enfants de moins de cinq ans ont bénéficié d’une réduction de 31 %, et ceux de 5 à 14 ans d’une diminution de 26 %. Ces progrès traduisent les effets positifs des mesures de lutte contre le paludisme, telles que l’usage de moustiquaires imprégnées d’insecticide (ITN), la pulvérisation intérieure d’insecticide (IRS) et les traitements antipaludiques.

Cependant, les cas de paludisme ont augmenté dans le nord du Kenya. Dans des zones comme le Turkana, le risque de paludisme a été multiplié par trois ou quatre. L’étude suggère que les précipitations et températures élevées favorisent la reproduction des moustiques et que les changements d’utilisation des terres, notamment à travers l’exploitation minière et la déforestation, pourraient contribuer à cette augmentation. « La réduction globale du paludisme est encourageante, mais la hausse dans certaines régions montre à quel point les effets du changement climatique peuvent être imprévisibles », a déclaré Penelope Vounatsou, cheffe de l’unité de biostatistique au Swiss TPH. « Cela souligne la nécessité de stratégies localisées pour faire face à ces nouveaux défis. »
Urbanisation et variabilité climatique
Les zones présentant un développement accru, identifié par une intensité lumineuse nocturne plus élevée, ont affiché des taux de paludisme plus faibles. Cette diminution pourrait résulter d’une amélioration des infrastructures, réduisant l’exposition humaine aux moustiques, ainsi que d’un meilleur accès aux soins de santé et aux mesures de prévention. Curieusement, le lien entre l’augmentation des précipitations et le paludisme, fort en 2015, s’est atténué en 2020. Cela suggère que d’autres facteurs, tels que l’urbanisation et les efforts antipaludiques, jouent un rôle croissant.
Adapter les stratégies de santé publique

Les moyens traditionnels comme les moustiquaires imprégnées (ITN) et la chimio-prévention saisonnière devraient être complétés par de nouvelles approches, telles que les répulsifs spatiaux et les insecticides de nouvelle génération, pour protéger les régions vulnérables. « Le changement climatique exige des solutions novatrices », a ajouté Nyawanda. « En comprenant les interactions entre les facteurs environnementaux et socio-économiques, nous pourrons mieux allouer les ressources et adapter les stratégies pour protéger les populations les plus à risque. »
Avec l’évolution des modèles climatiques à l’échelle mondiale, les pays confrontés à des défis similaires peuvent s’inspirer de modèles géostatistiques comme ceux de cette étude pour mieux comprendre les tendances du paludisme et concevoir des stratégies appropriées. Cette recherche apporte des perspectives essentielles pour lutter contre le paludisme et le changement climatique à l’échelle internationale.