Stéphane Ngueto raconte l’enfer de Koro Toro un an après que la catastrophe eut lieu.

Le 20 octobre 2022, des centaines des manifestants appréhendent les rues de N’Djamena pour réclamer des élections et le départ des militaires au pouvoir. La marche, interdite par les forces de l’ordre, a été brutalement sanctionnée. Des centaines de personnes ont été déportées vers la prison de haute sécurité de Koro Toro dans le sud du pays, où elles ont été jugées pour leur participation à ce que le gouvernement considérait comme une « tentative d’insurrection », avant d’être graciées par le président de transition, Mahamat Idriss Déby. Parmi elles, Stéphane Ngueto Djimrangar, une jeune poète âgé de 30 ans, diplômé sans emploi comme beaucoup de jeunes à N’Djamena.
Lunettes à la mode et admirateur de Che Guevara, ce rescapé de Koro Toro est bien déterminé à faire connaître au monde entier les réalités du « bagne du désert»
« Là-bas, la mort plane et arrache. Là-bas, les cadavres glanent et marchent. Là-bas, c’est le lieu des crânes. C’est Koro Toro. » à déclaré Stéphane Ngueto depuis sa cellule, en cachette, sur des carnets dérobés. « Pour que ceux qui vont venir après nous, puissent appréhender ce qui s’est passé, comment on a été emprisonné, comment on a vécu mais également quelles étaient nos aspirations. »
Koro Toro, situé à deux jours de camion en plein désert. En chemin, certains ingurgitent leurs urines, des cadavres sont jetés par-dessus bord. La prison est gouvernée par d’anciens détenus, dont des membres de la secte Boko Haram. « Ils nous sortaient des cellules, nous faisaient rouler par terre dans les eaux souillées, ils nous frappaient, nous rouaient de coups. »
Étant détenu, il conserve ce vêtement confectionné à partir des couvertures fournies par la Croix rouge. « C’est vraiment long et large. Ça nous permet de nous protéger contre le froid. Quand je me vois en contact avec ces habits, ça évoque le souvenir de ces tortures qui ont occasionné la mort de plusieurs de nos camarades. » martèle t-il.
Une année après, Stéphane souffre d’une infection depuis la prison, mais son indignation reste indemne. « Si nous avons manifesté, c’était pour revendiquer des changements. Malheureusement, ces changements ne sont pas encore là. » Il rêve de publier ses poèmes et que son habit de détenu soit un jour conservé dans un musée « pour que le monde sache ».