Le Nigéria, souvent considéré comme le géant économique de l’Afrique, a fait un pas audacieux en adoptant une nouvelle méthode de calcul du taux de chômage, alignée sur les normes internationales du Bureau International du Travail (BIT). Cette révision, loin d’être anodine, a fait passer le taux de chômage de 5,3 % à la fin 2022 à 4,1 % au début de 2023, un chiffre plus flatteur pour l’économie du pays. Mais que cache réellement cette nouvelle méthodologie ?

4,1 %.
Un Chômage Redéfini : L’Heure de Travail qui Change Tout
La principale modification apportée à ce calcul est l’inclusion de toute personne ayant travaillé ne serait-ce qu’une heure par semaine, contre un seuil de 20 heures auparavant. Désormais, même un emploi temporaire ou à très faible volume d’heures suffit à sortir une personne des statistiques du chômage. « Si quelqu’un est engagé dans une activité rémunérée, même brièvement, il n’est plus considéré comme chômeur », précise le Bureau des Statistiques du Nigéria (BSN). Cette révision est perçue comme une manière d’ajuster les chiffres à la réalité complexe d’un pays où l’informalité domine l’économie.
Cette méthode, déjà en usage dans des pays comme le Ghana ou le Cameroun, prend également en compte des emplois liés à l’agriculture de subsistance et exclut certaines catégories d’inactifs, même si ces derniers recherchent activement un emploi. Cela soulève des questions sur la pertinence de ces chiffres : reflètent-ils vraiment l’état du marché du travail ou est-ce une simple manipulation statistique ?
Le Contexte Économique : Croissance Masquée, Réalités Complexes
Si la nouvelle approche du chômage paraît rassurante, elle masque les défis colossaux que rencontre l’économie nigériane. En 2023, l’inflation devait atteindre 27,5 %, conséquence directe des réformes économiques controversées du président Bola Tinubu. Cette inflation galopante exerce une pression sans précédent sur les ménages, déjà fragilisés. Le Nigéria, pourtant première économie d’Afrique, voit ses citoyens peiner à joindre les deux bouts, malgré ces ajustements méthodologiques.

Ce paradoxe est d’autant plus frappant lorsque l’on considère les prévisions de croissance régionale. La Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) prévoit une croissance globale du PIB de 4,1 % en 2024, grâce à des moteurs économiques comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Bénin. Pourtant, les citoyens nigérians, vivant sous l’effet combiné de la hausse des prix et d’un marché du travail incertain, se demandent si ces chiffres de croissance peuvent vraiment refléter leur quotidien.
Instabilité et Menaces Régionales
Au-delà des frontières du Nigéria, l’instabilité politique grandissante dans la sous-région ouest-africaine menace de ralentir la dynamique de croissance. Les récents coups d’État au Niger, au Burkina Faso, en Guinée et au Mali fragilisent non seulement les relations entre pays voisins, mais créent également des incertitudes économiques. « Les sanctions économiques imposées à ces États et l’instabilité politique pourraient compromettre les perspectives de croissance de la CEDEAO », met en garde un analyste basé dans la région anglophone de la CEDEAO.
Malgré ces tensions, les prévisions de la Banque Africaine de Développement (BAD) restent positives pour plusieurs pays, mais le Nigéria, avec ses défis économiques internes, devra redoubler d’efforts pour maintenir son statut de locomotive régionale.
Le Chômage : Un Effet de Surface ou un Réel Progrès ?
La nouvelle méthode de calcul du chômage au Nigéria, bien que conforme aux normes internationales, ne fait qu’effleurer les véritables problématiques de l’économie nigériane. Si les chiffres apparaissent plus encourageants, ils ne suffisent pas à dissimuler les défis structurels auxquels le pays fait face : une inflation incontrôlable, une dépendance accrue à l’informalité et une pauvreté qui persiste malgré des perspectives de croissance.
Finalement, la question qui se pose est de savoir si cette nouvelle approche statistique améliore réellement la situation des Nigérians ou si elle ne fait qu’adoucir des réalités bien plus dures à affronter.