NIGERIA : GUERRE AUX SITES PORNOGRAPHIQUES

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La Chambre des représentants du Nigeria a récemment pris une décision qui fait débat : bloquer l’accès aux sites web hébergeant du contenu pornographique. Si cette initiative vise à préserver les valeurs morales et culturelles du pays, elle soulève aussi de vives inquiétudes quant à la liberté d’internet et la censure gouvernementale.

Photo d’illustration (c) net

Mardi, les législateurs nigérians ont ordonné à la Nigerian Communications Commission (NCC), l’autorité de régulation des télécommunications, de mettre en place un blocage systématique des sites pornographiques. Ils ont également demandé que des sanctions soient infligées aux fournisseurs d’accès à internet (FAI) qui ne respecteraient pas cette interdiction.

Cette décision fait suite à une motion présentée par Dalhatu Tafoki, député du parti au pouvoir, l’APC, qui considère la cyberpornographie comme une menace pour les valeurs sociales, les mariages et la santé mentale des individus. Selon lui, plusieurs pays d’Asie, d’Afrique et du Moyen-Orient ont déjà adopté des lois similaires pour interdire ces contenus en ligne.

« Le Nigeria est un pays profondément religieux, et toutes les grandes confessions interdisent la nudité et l’obscénité sous toutes leurs formes. Il est urgent de prendre des mesures concrètes contre ce phénomène », a-t-il déclaré devant la Chambre.

Un pas vers la censure généralisée ?

Si certains soutiennent cette initiative en invoquant la nécessité de protéger la jeunesse et les valeurs familiales, d’autres s’inquiètent des conséquences sur la liberté d’internet.

Un expert du numérique a mis en garde contre les dérives possibles d’une telle mesure :« Une fois qu’un gouvernement commence à censurer certains contenus, il peut être tenté d’aller plus loin. Après la pornographie, va-t-on interdire certains discours politiques ou sociaux ? »

Cette crainte est partagée par Muhammed Rudman, PDG de l’Internet Exchange Point of Nigeria, qui estime que toute forme de censure représente un danger pour les droits des citoyens.« Le problème avec la censure, c’est qu’une fois mise en place, elle peut progressivement empiéter sur d’autres libertés », a-t-il déclaré.

Des implications techniques et légales

Bloquer l’accès aux sites pornographiques est une tâche complexe. Les utilisateurs avertis peuvent contourner ces restrictions en utilisant des VPN (réseaux privés virtuels), rendant ainsi la mesure inefficace. De plus, des questions légales se posent : les fournisseurs d’accès nigérians ont-ils le pouvoir de filtrer certains contenus sans violer le droit à la libre circulation de l’information ?

Le Nigeria rejoint ainsi une tendance observée dans plusieurs pays africains qui ont déjà pris des mesures contre la pornographie en ligne. En Ouganda, une loi controversée adoptée en 2014 interdisait non seulement l’accès aux sites pour adultes, mais aussi certains vêtements et contenus musicaux jugés indécents. Cette loi a finalement été abrogée en 2021 après de nombreuses critiques sur ses effets néfastes, notamment sur les droits des femmes. En Égypte, la production et la diffusion de contenus pornographiques sont strictement interdites, et les autorités bloquent activement les sites concernés. Le Maroc et la Tunisie appliquent également des lois interdisant la production et la distribution de contenus pornographiques, bien que l’accès à ces sites reste possible via des moyens de contournement. L’Afrique du Sud, quant à elle, réglemente strictement l’accès à la pornographie sans l’interdire complètement, en imposant des restrictions de diffusion et en classifiant les contenus.

Par ailleurs, le Nigeria fait face à des défis majeurs tels que l’insécurité, le chômage et la crise économique. Certains critiques estiment que le gouvernement devrait se concentrer sur ces priorités plutôt que sur la régulation de l’accès aux contenus en ligne.

Vers un contrôle renforcé d’internet ?

Cette décision relance le débat sur la régulation d’internet au Nigeria. En 2021, le gouvernement avait déjà suscité la controverse en interdisant temporairement Twitter, une mesure perçue comme une atteinte à la liberté d’expression.

Si le blocage des sites pornographiques est appliqué, il pourrait ouvrir la voie à d’autres restrictions numériques, renforçant ainsi le contrôle du gouvernement sur l’espace en ligne.

Dans un pays où internet joue un rôle crucial pour l’accès à l’information et la liberté d’expression, cette nouvelle guerre contre les sites pornographiques pourrait bien marquer le début d’une ère de surveillance et de contrôle renforcé du web.

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