NIGERIA: L’URGENCE SÉCURITAIRE

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Depuis plusieurs semaines, le Nigeria vit une escalade brutale de violences qui s’étendent désormais à l’ensemble de son territoire. À chaque coin du pays, les bilans humains s’alourdissent, laissant derrière eux des villages meurtris, des familles endeuillées et une population prisonnière d’une insécurité chronique. En trois semaines seulement, près de 250 personnes ont perdu la vie dans des attaques à répétition. Une série noire symptomatique d’un pays où l’État semble de plus en plus dépassé par la multiplicité des foyers de tension.

Le pays bascule dans l’instabilité.

Un pays en feu : du Centre-Nord au Centre-Ouest, la violence s’installe

Le 17 avril dernier, 56 civils ont été massacrés dans les districts de Logo et Ukum, situés dans l’État de Benue. La veille, une autre attaque faisait 15 morts dans l’État de Kwara. Cette dernière, revendiquée par un nouveau groupe armé appelé les « Mahmuda », marque une inquiétante expansion de la violence vers le Centre-Ouest du Nigeria, jusque-là relativement épargné par les conflits. Ces hommes lourdement armés prennent désormais le contrôle de territoires entiers dans les États de Niger, Kwara et même jusqu’à la ceinture centrale du pays, repoussant les limites de leur emprise.

Des acteurs multiples dans un même chaos

La complexité du conflit nigérian réside dans la diversité des protagonistes. À côté de ces nouveaux groupes criminels émergents, les violences intercommunautaires entre agriculteurs et éleveurs reprennent de plus belle, notamment dans les zones rurales du Plateau et de Benue. Entre le 27 mars et le 2 avril, ce sont pas moins de 113 personnes qui ont été tuées dans les districts de Bokkos et Bassa, dans ce qui semble être une vengeance ciblée de milices peules.

En parallèle, les groupes jihadistes comme Boko Haram ou l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) poursuivent leurs opérations dans le Nord-Est, multipliant les attaques à la bombe et les embuscades, comme ce fut le cas à Hong, dans l’État d’Adamawa, où sept civils ont péri le 15 avril.

L’État face à l’éclatement de son autorité

Face à cette montée généralisée de la violence, les autorités nigérianes peinent à contenir la situation. L’armée, souvent débordée, semble incapable de sécuriser durablement les zones attaquées. Dans certains cas, des communautés prennent leur propre sécurité en main, créant ainsi des milices d’autodéfense qui ajoutent un acteur supplémentaire dans le dédale sécuritaire. Les autorités locales dénoncent un manque de soutien logistique et stratégique, tandis que la population exprime une perte de confiance croissante envers les institutions.

Vers une fragmentation incontrôlable ?

Ce qui frappe aujourd’hui au Nigeria, c’est la simultanéité des crises : banditisme armé, terrorisme, conflits ethniques, et désormais la montée de nouvelles entités criminelles organisées. La multiplication des foyers de violences pourrait entraîner un effondrement progressif de l’unité nationale, si rien n’est fait rapidement. Le Centre-Ouest, longtemps considéré comme un tampon entre le Nord troublé et le Sud plus stable, semble à son tour basculer.

En toile de fond, une population de plus de 200 millions d’habitants observe, inquiète, l’affaiblissement de l’État et la normalisation de la violence. La jeunesse, principale victime de cette instabilité, risque de se tourner à son tour vers la violence ou l’exode, faute d’alternatives.

Un tournant dangereux

Le Nigeria est aujourd’hui à un carrefour critique. Le surgissement de nouveaux groupes armés, l’expansion des conflits communautaires, l’échec des politiques sécuritaires et la fragmentation géographique de l’insécurité témoignent d’un pays sous pression extrême. Sans une réponse urgente, coordonnée et massive, la première puissance économique d’Afrique pourrait basculer dans un cycle de chaos difficile à inverser.

Plus que jamais, il devient vital pour Abuja de repenser son approche sécuritaire, d’assainir ses services de renseignement et de renouer le lien de confiance avec ses citoyens. Le compte à rebours a commencé.

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