Les autorités nigérianes ont mis en place un comité chargé d’élaborer un plan de transition et de durabilité pour les programmes de santé financés par l’USAID, suite à la suspension de 90 jours de la plupart des aides étrangères par le président américain Donald Trump. Ce comité interministériel, composé de représentants des ministères des Finances, de la Santé et de l’Environnement, vise à garantir que les patients traités pour le VIH, la tuberculose et le paludisme ne subissent pas de perturbations pendant cette période d’incertitude concernant la politique étrangère des États-Unis.

Peu après son entrée en fonction il y a deux semaines, le président Trump a ordonné une pause de 90 jours sur l’aide étrangère américaine. Cependant, il a rapidement accordé une dérogation temporaire pour l’assistance humanitaire vitale, incluant les médicaments, les services médicaux, la nourriture et l’hébergement. Malgré cette exemption, des inquiétudes subsistent quant à l’avenir du financement américain pour les programmes de santé mondiaux. L’expert en santé publique Ejike Orji a salué la réaction proactive du Nigeria face au gel des financements américains.> « Cela signifie qu’ils vont effectuer une évaluation de la situation en cours, ce qui leur permettra de formuler des recommandations au gouvernement. Les États-Unis ont instauré une révision de 90 jours en raison de l’importance stratégique de la poursuite du programme VIH au Nigeria, ce qui laisse entendre qu’après leur évaluation, ils pourraient décider de ne pas continuer ce financement », a déclaré Orji.
Le Nigeria est un bénéficiaire majeur de l’aide étrangère américaine, ayant reçu 1,02 milliard de dollars en 2023, principalement par le biais d’agences telles que l’USAID. Le financement de l’USAID au Nigeria joue un rôle crucial dans le traitement du VIH/sida, les soins maternels et infantiles, ainsi que dans les efforts de prévention des maladies. Lundi, le Conseil exécutif fédéral nigérian a approuvé un budget de 1 milliard de dollars pour des réformes du secteur de la santé et a alloué 3,2 millions de dollars supplémentaires pour l’achat de 150 000 kits de traitement du VIH au cours des quatre prochains mois. Les autorités ont indiqué que ces nouveaux financements soutiendront l’amélioration des services de soins de santé primaires, de la santé maternelle et infantile, ainsi que la formation des professionnels de la santé. Cependant, Ndeayo Iwot, secrétaire général de la Health Sector Reforms Coalition, a souligné qu’il sera difficile de maintenir ces programmes sans le soutien continu des États-Unis.> « Même en libérant les fonds disponibles à temps, ils ne pourront pas couvrir tous les domaines que ces aides permettaient de financer. Cela prendra probablement deux à trois ans », a déclaré Iwot.
Environ 1,8 million de Nigérians vivent avec le VIH. Le pays enregistre également le plus grand nombre de décès dus au paludisme dans le monde et figure parmi les pays les plus touchés par la tuberculose.

Un parallèle avec le Cameroun : une gestion des crises contrastée
La réaction du Nigeria face à la suspension de l’aide de l’USAID met en lumière une approche proactive et stratégique dans la gestion des crises de financement en santé. La mise en place rapide d’un comité interministériel et l’adoption de mesures budgétaires alternatives montrent une volonté d’anticiper et de limiter les dégâts d’une éventuelle cessation définitive de l’aide américaine. Au Cameroun, la gestion des crises liées au financement des programmes de santé a souvent été plus réactive que proactive. Plusieurs éléments illustrent cette différence d’approche :
Dépendance accrue aux financements extérieurs : Le Cameroun bénéficie d’importants financements internationaux pour la lutte contre le VIH, le paludisme et la tuberculose. Cependant, lorsque des aides sont suspendues, les réponses tardent souvent à venir. En 2018, par exemple, le Fonds mondial a temporairement suspendu son soutien en raison de problèmes de gestion, entraînant des pénuries de médicaments contre le VIH.
Faible anticipation et budget insuffisant : Contrairement au Nigeria, qui a immédiatement débloqué des fonds nationaux pour pallier la suspension de l’USAID, le Cameroun peine à allouer des ressources internes conséquentes à son secteur de la santé. En 2023, seulement 5 % du budget national était consacré à la santé, bien en dessous du 15 % recommandé par la Déclaration d’Abuja de 2001.Coordination interministérielle limitée : Le Nigeria a rapidement mobilisé plusieurs ministères (Santé, Finances, Environnement) pour trouver des solutions. Au Cameroun, la prise de décision reste souvent centralisée au ministère de la Santé, ce qui ralentit la mise en place de réponses efficaces.
Manque de diversification des sources de financement : Alors que le Nigeria reconnaît qu’une approche multisectorielle et des partenariats diversifiés sont essentiels, le Cameroun reste fortement dépendant des bailleurs de fonds traditionnels et explore peu d’autres solutions, comme les partenariats public-privé ou des mécanismes de financement autonomes.
Leçons à tirer pour le Cameroun
L’expérience nigériane montre que face à une crise de financement, une réponse rapide et stratégique est cruciale pour éviter des ruptures dans l’accès aux soins. Pour améliorer sa résilience, le Cameroun devrait :
Créer une cellule de veille pour anticiper les crises financières et identifier des financements alternatifs.
Augmenter l’investissement public dans la santé pour réduire la dépendance aux financements extérieurs.Renforcer la coordination interministérielle afin d’assurer une gestion plus concertée et efficace.
Explorer de nouvelles sources de financement, notamment via des partenariats public-privé et des engagements avec de nouveaux bailleurs de fonds.
Alors que l’incertitude plane sur la poursuite de l’aide américaine après les 90 jours de suspension, le Nigeria se positionne déjà pour limiter les impacts négatifs. Le Cameroun pourrait s’inspirer de cette approche pour mieux gérer les futures crises de financement dans son secteur de la santé.