Prix Nobel de Littérature: Le dramaturge norvégien Jon Fosse reçoit le prix.
Jon Fosse est un « écrivain à 360 degrés » tout à la fois dramaturge, romancier, nouvelliste, essayiste, poète et auteur de livres pour la jeunesse que l’Académie suédoise a récompensé, jeudi 5 octobre. En attribuant le prix Nobel de littérature à Jon Fosse – qui devient ainsi le quatrième auteur norvégien à recevoir cette récompense après Bjørnstjerne Bjørnson (1903), Knut Pedersen Hamsun (1920) et Sigrid Undset (1928) –, les jurés ont d’abord salué un auteur fasciné par le langage, sa puissance hypnotique et musicale, mais aussi par tout ce qui lui échappe.
Il est né le 29 septembre 1959 à Haugesund, sur la côte ouest de la Norvège, Jon Fosse signe son premier texte, Raudt, Svart (« Rouge, Noir ») à 23 ans. Il faudra encore une dizaine d’années, marquées par la publication d’une quinzaine d’écrits en prose – Guitare fermée (1985), La Remise à bateaux (1989) ou Plomb et eau (1992) … pour qu’il s’essaie au genre qui le rendra mondialement célèbre, le théâtre. C’est en 1994 qu’est montée et publiée sa première pièce, Et jamais nous ne serons séparés. Dès lors, il ne s’arrêtera plus. Etonnamment prolifique, il signe une ou deux pièces par an – Et la nuit chante (1997), Variations sur la mort (2003), Les Chiens morts (2004), Les Jours s’en vont (2005), Je suis le vent (2007) … Soit au total une trentaine d’œuvres théâtrales en vingt ans. Des pièces traduites dans plus de trente langues, représentées partout en Europe et montées par les plus grands metteurs en scène – Patrice Chéreau, Jacques Lasalle, Claude Régy ou Thomas Ostermeier.
Quel que soit le genre choisi, c’est son usage du langage qui le rend si original. Un socle verbal très simple et une écriture minimaliste, épurée à l’extrême, servent une intrigue elle aussi réduite à sa plus simple expression. Les personnages de Fosse, des quasi-inconnus, ne portent pas de nom. Ils sont désignés de manière impersonnelle, lui, elle, le fils, le père… Leur passé n’importe pas. Ni leur aspect. Ils n’ont pas de visage. « Jamais…, disait Fosse au Monde en 2003. Ce sont des voix. Je ne décris pas de personnages au sens traditionnel du terme. J’écris de l’humain. » De l’humain qu’il saisit avant tout dans ses interactions et ses contradictions. Car, toujours par le truchement de la langue, Fosse montre combien ces voix sont complexes. « Le langage signifie tour à tour une chose et son contraire et autre chose encore », affirme-t-il. C’est cela qu’il met en évidence, dans les moments de tensions entre les êtres qu’il affectionne. Moments de jalousie, d’angoisse, de solitude. Points de ruptures, de séparations, d’abandon.
L.C