L’État congolais a déposé plainte contre le groupe Apple en France et en Belgique, accusant la multinationale d’utiliser des minerais extraits illégalement dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Ces ressources, qualifiées de “minerais du sang”, seraient ensuite acheminées clandestinement vers le Rwanda voisin avant d’être blanchies et intégrées dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Des accusations graves
La plainte déposée à Paris met en cause Apple pour des infractions particulièrement lourdes telles que le recel de crimes de guerre, le blanchiment, le faux et l’usage de faux, ainsi que des pratiques commerciales trompeuses. Selon les avocats représentant la RDC, parmi lesquels William Bourdon, Robert Amsterdam et Christophe Marchand, l’entreprise aurait sciemment menti aux consommateurs en assurant la légalité et l’éthique de ses chaînes d’approvisionnement.
« Il est temps de confronter les individus et entreprises impliqués dans ce commerce illégal qui cause des souffrances inimaginables aux populations congolaises »
soulignent les avocats dans un communiqué. Cette action judiciaire entend ainsi mettre en lumière l’exploitation des ressources naturelles dans une région ravagée par la violence et les conflits armés.
Une plainte soutenue par des rapports internationaux
Pour appuyer leurs accusations, les avocats de la RDC s’appuient sur des rapports émanant des Nations unies, du Département d’État américain et d’organisations comme Global Witness. Ces documents révèlent un lien direct entre le commerce illégal des minerais et le financement des groupes armés dans l’est du Congo.
Les autorités congolaises pointent du doigt un système organisé, où des minerais comme le tantale, l’étain et l’or sont extraits illégalement dans des zones de conflit, avant d’être introduits discrètement sur le marché mondial. Cette exploitation, selon Kinshasa, alimente le cycle de violence tout en provoquant des drames humains, notamment le recours au travail forcé des enfants et la destruction de l’environnement.
Apple et le Rwanda rejettent les accusations
En réponse aux accusations, Apple se réfère à son rapport de 2023 dans lequel il affirme ne pas avoir trouvé de preuve établissant un lien entre ses fournisseurs et le financement des groupes armés en RDC ou dans les pays voisins. Kigali, de son côté, dément catégoriquement les allégations du gouvernement congolais. Le Rwanda qualifie ces accusations de “spéculations sans fondement”, dénonçant une tentative de diversion face aux défis sécuritaires internes de la RDC.
Un contexte géopolitique tendu
Cette plainte intervient dans un contexte marqué par des tensions croissantes entre la RDC et le Rwanda, accusé par Kinshasa de soutenir la rébellion du M23. Ce groupe armé occupe depuis 2021 plusieurs zones stratégiques riches en minerais dans la province du Nord-Kivu. Pour les autorités congolaises, cette ambition de contrôle des ressources minières explique en grande partie le soutien militaire du Rwanda aux groupes rebelles actifs dans la région.
Un appel à la communauté internationale
Les avocats de la RDC ont également écrit à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, afin de solliciter un dialogue sur la responsabilité des entreprises européennes dans cette chaîne d’approvisionnement controversée. Pour Kinshasa, cette action vise non seulement à sanctionner Apple, mais aussi à inciter la communauté internationale à mieux réguler le commerce des minerais issus des zones de conflit.
La RDC espère que cette plainte marquera un tournant décisif dans la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles, tout en sensibilisant le monde sur les conséquences dramatiques que cette industrie fait peser sur les populations locales