Le Sénégal a perdu l’un de ses plus grands esprits créateurs, Alioune Badara Bèye, dont le décès, survenu à l’âge de 79 ans, a laissé une empreinte indélébile sur la culture nationale. Dramaturge, romancier, poète, et essayiste, Bèye était bien plus qu’un simple écrivain : il incarnait l’âme culturelle du pays. Son inhumation au cimetière musulman de Yoff a réuni une foule immense, venue saluer une dernière fois un homme dont l’œuvre a marqué des générations.
Né dans une période où le Sénégal consolidait encore son identité post-coloniale, Alioune Badara Bèye a su naviguer entre tradition et modernité, érigeant sa plume en véritable outil de mémoire nationale. Son œuvre, axée sur la recherche historique et la mise en lumière du patrimoine sénégalais, a traversé les frontières, inscrivant son nom parmi les figures emblématiques de la culture africaine. À travers des pièces de théâtre telles que Lat-Dior et Nder en flammes, il a non seulement raconté l’histoire de son pays, mais il a aussi instruit ses contemporains sur l’importance de préserver l’héritage culturel.
Lors de la levée du corps à la mosquée de Colobane, les témoignages de respect et d’admiration n’ont cessé de se succéder. Pour Amadou Moustapha Ndieck Sarré, porte-parole du gouvernement, « Alioune Badara Bèye appartient à tout le peuple sénégalais ». Son rôle dans la préservation et la transmission de la culture sénégalaise était si immense que son héritage se confond aujourd’hui avec celui de toute une nation.
L’écrivain était également un mentor pour de nombreuses personnalités. Le chanteur Youssou Ndour a exprimé sa profonde gratitude envers celui qui l’a guidé durant sa carrière au ministère de la Culture. Pour Ndour, Bèye était un « pilote de la pirogue culturelle, un homme dont la sagesse et l’engagement ont permis de maintenir le cap dans les moments les plus incertains.”
Mais au-delà des hommages officiels, ce sont les paroles de son frère cadet qui ont donné un aperçu plus intime de l’homme derrière l’écrivain. Bèye, après le décès de leur père, est devenu le pilier de la famille, endossant pleinement le rôle de patriarche. « Nous avons grandi sous son aile », a confié son frère, ajoutant que la fierté que ressent aujourd’hui la famille pour son legs est aussi grande que la tristesse de sa perte.
Président de l’Association des écrivains du Sénégal depuis 2005, Alioune Badara Bèye a joué un rôle crucial dans l’organisation du Festival mondial des arts nègres de 2010, consolidant ainsi sa position d’ambassadeur culturel. Son œuvre, riche d’une dizaine de livres, continue de résonner avec force, abordant des thèmes profonds tels que l’identité, l’histoire, et la condition humaine. Des ouvrages comme Demain, la fin du Monde et Les larmes de la patrie témoignent de son engagement pour la vérité historique et la justice sociale.
Dans un monde où la rapidité efface souvent les détails du passé, Alioune Badara Bèye a su, par la force de sa plume, figer les moments importants de l’histoire du Sénégal pour les offrir aux générations futures. Comme l’a si bien dit son collègue M. Sall, « il s’est forgé par la persistance de la recherche », devenant ainsi un écrivain d’une envergure exceptionnelle, et un modèle pour tous ceux qui cherchent à comprendre et à valoriser leur patrimoine.
Alioune Badara Bèye ne s’est pas contenté d’écrire. Il a éveillé des consciences, renforcé une culture, et ouvert des portes pour l’avenir. Son nom restera gravé dans l’histoire du Sénégal, non seulement comme un écrivain, mais comme un gardien de la mémoire collective.
