À l’aube d’une nouvelle campagne de commercialisation de l’arachide, le gouvernement sénégalais prend des mesures décisives pour protéger un secteur clé de l’économie nationale. Alors que près de trois millions de Sénégalais dépendent de cette culture, l’exécutif, dirigé par Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, a décidé d’interdire l’exportation des graines d’arachide à partir du 15 novembre. Cette mesure radicale marque une volonté de recentrer la production sur le marché local, tout en cherchant à revitaliser une filière fragilisée par des défis multiples.
Le ministère sénégalais de l’Agriculture a décidé d’interdire l’exportation des graines d’arachide à partir du 15 novembre prochain.
Un secteur à la croisée des chemins
L’arachide est depuis des décennies l’une des principales ressources agricoles du Sénégal. Symbole d’une agriculture traditionnelle profondément ancrée dans la culture du pays, elle représente également une part non négligeable des exportations. Cependant, ces dernières années, la filière est en proie à des difficultés structurelles : la concurrence internationale, la baisse des rendements et les fluctuations des prix ont mis à mal la rentabilité des producteurs locaux. Ces contraintes ont forcé les autorités à repenser leur stratégie afin de protéger à la fois les petits agriculteurs et les intérêts économiques du pays.
En interdisant l’exportation des graines d’arachide, le ministère de l’Agriculture espère non seulement garantir une meilleure disponibilité des semences pour les producteurs locaux, mais aussi encourager la transformation locale. En effet, les autorités ambitionnent de voir une plus grande partie de la production traitée sur place, ce qui permettrait de stimuler la création d’emplois dans les industries de transformation et d’augmenter la valeur ajoutée des produits dérivés de l’arachide, tels que l’huile ou les tourteaux.
Un dilemme entre exportation et autosuffisance
La décision d’interdire les exportations pose toutefois un dilemme pour le Sénégal : comment concilier les besoins du marché international, où l’arachide sénégalaise est très prisée, et ceux du marché domestique, qui souffre de pénuries récurrentes de semences et d’une faible capacité de transformation ? D’un côté, l’exportation permet aux producteurs d’obtenir des devises étrangères et de profiter de prix parfois plus attractifs sur le marché mondial. De l’autre, une surdépendance à l’export expose la filière aux aléas des marchés mondiaux, souvent instables.
Cette interdiction vise à réduire cette dépendance et à recentrer les efforts sur l’autosuffisance alimentaire et la valorisation locale de la production. En encourageant les industries locales à transformer les graines d’arachide, le gouvernement espère également réduire les importations d’huile d’arachide, un paradoxe pour un pays qui produit l’une des meilleures arachides au monde, mais qui peine à satisfaire ses besoins internes.
Une filière soutenue par des mesures gouvernementales
Pour accompagner cette interdiction, les autorités sénégalaises ont multiplié les mesures de soutien à destination des producteurs. Des subventions pour l’achat de semences de qualité, une meilleure régulation des prix et des initiatives pour moderniser les infrastructures de stockage font partie des dispositifs envisagés pour sortir la filière de l’impasse. Le gouvernement met également en place des formations destinées aux agriculteurs afin de les aider à améliorer leurs rendements, tout en encourageant l’adoption de pratiques plus résilientes face aux changements climatiques, qui affectent particulièrement les cultures d’arachide.
La modernisation des outils de production et de transformation est au cœur de cette nouvelle dynamique. Des projets de construction d’usines locales et des partenariats public-privé sont en cours de négociation pour doper la production d’huile d’arachide et d’autres dérivés, avec l’espoir de faire du Sénégal un acteur majeur non seulement dans la production, mais aussi dans la transformation de l’arachide en Afrique de l’Ouest.
Les réactions contrastées des acteurs de la filière
L’annonce de l’interdiction des exportations a suscité des réactions contrastées au sein de la filière. Si certains producteurs saluent cette décision qui, selon eux, permettra de réguler un marché souvent chaotique, d’autres s’inquiètent des conséquences à court terme. En effet, la vente à l’étranger offre parfois une source de revenus immédiate et plus lucrative, notamment vers des pays asiatiques comme la Chine, grand importateur d’arachides sénégalaises.
Néanmoins, les autorités sénégalaises insistent sur le fait que cette interdiction ne sera que temporaire, le temps de renforcer les capacités locales et de stabiliser la filière. L’objectif à long terme est de trouver un équilibre entre les besoins du marché local et les opportunités offertes par l’international, sans compromettre la stabilité des producteurs.
L’arachide sénégalaise à l’épreuve du futur
En imposant cette interdiction d’exportation, le Sénégal choisit la voie de la transformation locale et de la protection de ses ressources agricoles. Cette décision, bien que risquée, pourrait permettre de revitaliser un secteur essentiel à l’économie du pays tout en offrant de nouvelles perspectives de développement aux acteurs locaux.
Le défi pour le Sénégal sera désormais de prouver que cette approche, centrée sur l’autosuffisance et la transformation, peut être une solution durable pour l’avenir de la filière arachide.