L’heure des comptes a sonné. Ce n’est ni un roman judiciaire ni une fiction politique : c’est la réalité, celle d’un Sénégal qui scrute désormais son passé pandémique à la loupe. Ce 19 mai 2025, une figure emblématique de la vie politique sénégalaise, Salimata Diop Dieng, a été officiellement inculpée de complicité de détournement par la Haute Cour de justice, une institution rarement mobilisée dans l’histoire du pays.

Une première pour une ancienne ministre de la Femme, du Genre et de la Protection des enfants, mais un moment charnière surtout pour la démocratie sénégalaise, qui met à l’épreuve sa capacité à juger ses propres élites.
L’épreuve de la transparence
Ce procès n’est pas qu’une simple affaire de chiffres ou de documents douteux. Il s’agit d’un choc moral pour une nation entière, qui avait placé sa confiance dans des leaders censés la protéger durant les heures sombres de la pandémie. Au cœur du dossier : des irrégularités dans la gestion d’un fonds de plus de 770 milliards de FCFA, débloqué pour répondre à l’urgence sanitaire entre 2020 et 2021.
Salimata Diop Dieng, aujourd’hui députée, a vu son immunité parlementaire levée, dans un geste fort symbolisant une volonté politique nouvelle de ne plus laisser l’impunité se glisser entre les mailles des institutions.
L’envers du décor
Selon les premiers éléments révélés par la Cour des comptes, les anomalies sont légion : surfacturations de riz, gonflement des prix de gels hydroalcooliques, marchés octroyés sans appel d’offres clair… Le tout sur fond de précipitation, de chaos logistique… et peut-être d’opportunisme.
Mais au-delà de l’affaire individuelle, c’est toute une génération de dirigeants du régime Macky Sall qui est convoquée à la barre. Quatre autres ex-ministres font face à la même juridiction, accusés de fautes graves dans la gestion de fonds publics. Le procès s’annonce long, technique, mais porteur de promesses : celle d’un changement de paradigme dans la gouvernance.
Un procès sous tension politique
Dans un pays aujourd’hui dirigé par Bassirou Diomaye Faye, dont l’ascension est perçue comme un vote sanction contre l’ancien pouvoir, ce procès résonne comme un acte de rupture historique. Entre partisans de l’ancien régime qui crient à la chasse aux sorcières, et nouveaux tenants du pouvoir qui parlent de justice réparatrice, le climat est électrique.
Salimata Diop Dieng, elle, clame son innocence. Elle s’est acquittée d’une caution de 57 millions FCFA, et reste sous contrôle judiciaire. Mais aux yeux de nombreux Sénégalais, le combat est ailleurs : redonner foi en l’État, en ses institutions, en sa promesse de justice pour tous — et surtout, pour ceux qui dirigent.