La tuberculose, longtemps considérée comme une maladie en voie d’éradication, revient sous une forme plus dangereuse : la tuberculose multirésistante (TB-MR). Cette version résistante aux traitements classiques met en péril les progrès réalisés dans la lutte contre la maladie. En cause ? L’automédication, l’abandon prématuré des traitements et l’insuffisance des ressources pour un suivi efficace des patients.

Quand les médicaments ne fonctionnent plus
Normalement, la tuberculose se soigne avec une combinaison d’antibiotiques administrés sur six mois. Mais lorsque le traitement est mal suivi ou interrompu, la bactérie développe une résistance aux principaux médicaments, notamment la rifampicine et l’isoniazide. Résultat : un traitement plus long (jusqu’à deux ans), plus coûteux et avec des effets secondaires plus lourds.Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 450 000 cas de tuberculose multirésistante ont été recensés dans le monde en 2022. Parmi eux, seulement 40 % ont été correctement diagnostiqués et traités.
Le ministre de la Santé publique du Cameroun, Dr. Manaouda Malachie, a récemment alerté sur l’augmentation des cas de tuberculose dans le pays. En 2023, près de 26 000 cas ont été signalés, contre 22 000 en 2022, soit une hausse de 12,5 %. « La tuberculose continue de faire des ravages alors qu’un vaccin est disponible et gratuit », a-t-il déclaré. Malgré une légère baisse du taux de mortalité (passé de 30 à 26 décès pour 100 000 habitants entre 2021 et 2022), cette recrudescence des cas inquiète les autorités sanitaires.
L’automédication et la rupture des traitements en cause
Dans de nombreux pays, y compris au Cameroun, l’accès aux soins est parfois limité par le coût des consultations et des médicaments. Certains patients, faute de moyens, interrompent leur traitement dès qu’ils se sentent mieux. D’autres, influencés par des croyances locales, combinent médecine moderne et traitements traditionnels, retardant ainsi leur guérison.Selon un rapport de l’OMS, environ 50 % des cas de TB-MR sont dus à un arrêt prématuré du traitement.
Rita, une ancienne malade, raconte son parcours du combattant : « J’ai commencé le traitement, mais au bout de trois mois, je me sentais déjà bien. J’ai arrêté les médicaments. Deux ans plus tard, la maladie est revenue, et cette fois, aucun médicament ne fonctionnait. J’ai dû suivre un traitement beaucoup plus dur avec des injections douloureuses. »
Des traitements plus longs et plus coûteux
Le traitement de la TB-MR peut coûter jusqu’à 100 fois plus cher que celui de la tuberculose classique. Selon l’OMS, en 2022, moins de 60 % des patients atteints de TB-MR guérissent, faute d’accès aux médicaments adaptés.
Au Cameroun, un traitement classique de la tuberculose coûte en moyenne 20 000 à 50 000 FCFA (30 à 75 euros), tandis qu’un traitement contre la TB-MR peut dépasser 2 millions de FCFA (3 000 euros), un coût insupportable pour la majorité des patients.
« Le problème, ce n’est pas seulement la maladie elle-même, mais aussi la capacité de nos systèmes de santé à la détecter et à la traiter à temps », souligne le Dr. Manaouda Malachie. Il appelle à une intensification des efforts pour éradiquer la tuberculose d’ici 2035, en renforçant la recherche, en améliorant la prise en charge des malades et en réduisant les nouvelles infections grâce au traitement préventif.
Quelles solutions face à cette menace ?
Les autorités sanitaires et les ONG misent sur la prévention et le suivi des patients pour limiter la propagation de la TB-MR. Parmi les initiatives mises en place :
Des campagnes de sensibilisation sur l’importance d’un traitement complet.
Une distribution gratuite ou subventionnée des médicaments essentiels.
L’utilisation de nouvelles technologies pour détecter rapidement les souches résistantes.
Selon les estimations, si les efforts de lutte ne sont pas intensifiés, la TB-MR pourrait représenter un tiers des cas de tuberculose d’ici 2050, rendant la maladie encore plus difficile à éradiquer.
La tuberculose multirésistante est une menace silencieuse qui prend de l’ampleur. Tant que la sensibilisation, le suivi médical rigoureux et l’accès aux traitements ne seront pas renforcés, la lutte contre cette forme résistante de la maladie restera un défi de taille.
Le message clé : ne jamais interrompre un traitement, car la résistance aux antibiotiques transforme une maladie guérissable en un combat bien plus difficile.