Organisé en France après 33 ans d’absence, le 19 ème sommet de la Francophonie a réuni une trentaine de chefs d’État à Villers-Cotterêts et au Grand Palais du 4 au 5 octobre 2024. Cet événement marquant a cependant connu des absences notables, à savoir celles de plusieurs dirigeants africains, tels que ceux du Cameroun, du Congo, du Sénégal et des pays du Maghreb. Des absences d’autant plus frappantes sachant que ces mêmes leaders ont récemment participé aux sommets Russie-Afrique et Chine-Afrique.
Les leaders de la zone CEMAC, de l’Afrique de l’Ouest et du Maghreb dérogent à la tradition
Le 19e Sommet de la Francophonie, tenu du 4 au 5 octobre à Villers-Cotterêts et au Grand Palais de France, a été un événement marquant. De l’avis de certains participants, l’éclat de cet événement a été fortement atténué par plusieurs absences notables. Parmi la dizaine de chaises vides à la tribune des échanges au Grand Palais de France, on a pu remarqué celles de chefs d’État de la zone Cemac, de l’Afrique de l’Ouest et des pays du Maghreb. Un fait curieux, compte tenu de la longue histoire diplomatique et culturelle qui unit ces nations à la France.
Pourquoi une si forte absence ?
L’écho de l’absence sans raisons apparentes de ses leaders à ce grand rendez-vous politique résonne pour de nombreux analystes comme une redéfinition des priorités diplomatiques de certains États africains, notamment le Cameroun, la RDC, le Sénégal, la république Centrafricaine , le Congo, et plusieurs pays maghrébins. Ces derniers semblent de plus en plus se tourner vers des puissances émergentes comme la Chine et la Russie, tout en prenant leur distance avec des rendez-vous diplomatiques traditionnels comme la Francophonie. Pour d’autres experts comme Albin Azanda kary, enseignant chercheur en science politique au Sénégal, les propositions économiques de la francophonie ne sont plus à la hauteur et à la mesure des attentes de plusieurs des pays susmentionnés.
Notons que seuls trois chefs d’État de la zone CEMAC étaient présents à savoir les Présidents Idriss Mahamat Déby du Tchad, Faustin-Archange Touadéra de la République Centrafricaine et Clotaire Oligui Nguema du Gabon. De grandes figures et piliers de la Francophonie en Afrique comme le président Paul Biya du Cameroun, Denis Sassou Nguesso du Congo, Teodoro Obiang Nguema de la Guinée Equatoriale, Félix Tshisekedi de la RDC étaient absents. Du côté du Maghreb, on a pu constater l’absence de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie. Notons que sur le plan démographique ces pays comptent à eux seuls 58,8 millions de francophones. Ce sont des pays ayant le plus grand nombre de francophones au monde, représentant les ¾ de l’effectif de la Francophonie.
Bassirou Diomaye Faye s’affranchit des usages
Parmi ces absences, c’est sans doute celle du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye qui a le plus marqué les esprits. C’est en effet la première fois qu’un chef d’Etat Sénégalais ne participe pas à un Sommet de la Francophonie, depuis l’adhésion du pays. La non-participation du président nouvellement élu du Sénégal est d’autant plus significative que ce dernier avait récemment pris part aux sommets Chine-Afrique et Russie-Afrique, avec engouement. Ce qui donne matière à interrogation: l’absence du président Faye aurait-il un rapport avec la décision de questionner l’implication des entreprises étrangères notamment françaises dans le pillage des caisses de l’Etat sénégalais tel que le signifiait le Premier ministre Ousmane sonko.
Les sommets Chine-Afrique/Russie -Afrique : Quelle valeur ajoutée ?
Deux événements où la présence africaine a été très fortement remarquée. Lors du Sommet Russie-Afrique de juillet 2023 à Saint-Pétersbourg, malgré les tensions internationales liées à la guerre en Ukraine, 17 chefs d’État africains ont fait le déplacement, marquant l’importance stratégique croissante de la Russie pour l’Afrique. De même, lors du Sommet Chine-Afrique, la présence des pays africains avait consolidé des liens commerciaux et diplomatiques toujours plus intenses avec Pékin. À ce sujet il est important de remettre au débat du jour, les propositions économiques qu’offrent les sommets Chine-Afrique et Russie -Afrique, contrairement à la francophonie.
Lors du Sommet et du Forum économique Russie-Afrique, 92 accords, contrats et mémorandums d’accord ont été signés. Le montant total des documents signés s’élève à 1, 004 000 trillions de roubles, d’après Le Monde ( journal d’informations ). Le plus grand nombre de documents a été signé dans les domaines de l’exportation et du commerce extérieur, de la coopération internationale, de la haute technologie, du transport et de la logistique, des mines et de l’exploration, de l’investissement et de la banque.
Sur le plan économique, la Chine s’est engagée à importer 300 milliards de dollars de marchandises en provenance de l’Afrique entre 2024 et 2026. Elle a également fait des propositions de coopérations avec les pays africains qui se chiffrent à plusieurs centaines de milliards de dollars. Elle s’est également engagée à faire produire localement et installer plus de 20.000.000 d’antennes paraboliques dans plus de 400 villages africains…
De l’autre côté, le Sommet de la Francophonie de cette année 2024 proposait plusieurs axes de développement aux africains sur l’intelligence artificielle, la transition énergétique, le capital humain, le développement, le financement de l’innovation pour un montant total de 110 millions d’euros, selon RFI.
«… Entre autres résolutions qui fondent les nouvelles orientations économiques stratégiques du continent, voilà en deux mots ce qu’il faut à peu près mettre sur la table des discussions. Loin des débats politiques sans fondement, l’Afrique veut parler plus que jamais de son autonomie financière. À ce propos il va s’en dire que la Chine et la Russie ont su se montrer convaincants par rapport à la France» pense pour sa part le Dr Hubert La Roche, économiste.