YAOUNDÉ – ENTRE POLICIERS ET PROXÉNÈTISME, LA DOUBLE PEINE DES TRAVAILLEUSES DU SEXE

0

Dans les rues de Yaoundé, sous la lumière déclinante des réverbères, un combat invisible se joue chaque nuit. Des milliers de femmes, poussées par la nécessité économique et une société impitoyable, se tournent vers la prostitution pour survivre. Pourtant, au Cameroun, cette pratique est illégale. Une contradiction flagrante où les travailleuses du sexe se retrouvent coincées entre les filets d’un État qui les pénalise, des policiers corrompus qui les rançonnent, et des proxénètes qui les exploitent.

L’enfer quotidien des travailleuses du sexe à Yaoundé.

La face cachée des nuits de Yaoundé

À la tombée de la nuit, la ville se transforme en un théâtre où les marges de la société s’exposent sans fard. Les travailleuses du sexe se positionnent aux endroits stratégiques de la capitale camerounaise, souvent en fonction de leurs « zones d’affectation ». Mais ce n’est pas la loi seule qui les tient sous pression : elles doivent aussi verser un droit de passage à ceux qui contrôlent ces espaces, un « ticket » informel exigé par les proxénètes ou des gangs qui veillent sur leur territoire.

Ces femmes, déjà fragilisées par une économie déséquilibrée, se retrouvent donc à payer leur droit d’exercer dans les rues de leur propre ville. Le montant varie en fonction des quartiers : certaines zones plus prisées ou plus sécurisées exigent des frais plus élevés. Il en résulte un engrenage financier où les travailleuses doivent continuellement satisfaire les exigences d’un système qui les exploite à tous les niveaux.

La police : protecteurs ou oppresseurs ?

La situation devient encore plus alarmante lorsqu’on aborde le rôle des forces de l’ordre. Dans un pays où la prostitution est théoriquement interdite, les policiers devraient en principe intervenir pour faire respecter la loi. Cependant, beaucoup d’entre eux, loin de protéger ces femmes vulnérables, se livrent à des pratiques de racket. Des descentes sont organisées, non pour faire appliquer la loi, mais pour extorquer de l’argent sous la menace de la prison. Les travailleuses du sexe, déjà stigmatisées, doivent choisir entre se faire arrêter ou payer pour leur liberté.

Cet état d’hypocrisie institutionnalisée laisse les travailleuses du sexe à la merci de ces abus policiers. Dans bien des cas, elles doivent soudoyer ces mêmes policiers qui les rançonnent pour éviter d’être jetées derrière les barreaux, ou pire, se voient contraintes d’offrir des services sexuels en échange de leur liberté. Cette situation amplifie leur sentiment d’insécurité, dans un environnement où ceux qui devraient les protéger deviennent leurs principaux bourreaux.

Elles sont stigmatisées, jugées comme des exclues, tandis que les causes profondes de leur réalité restent ignorées.

Un choix imposé par la survie

Le recours à la prostitution n’est souvent pas un choix délibéré, mais plutôt un dernier recours pour des femmes qui n’ont plus d’autres alternatives. Faible accès à l’éducation, manque d’opportunités économiques, et inégalités structurelles créent un terreau fertile pour que ces femmes se retrouvent à vendre leur corps. Pour beaucoup, c’est une question de survie. Il est estimé que plusieurs milliers de travailleuses du sexe dépendent de cette activité pour subvenir aux besoins de leurs familles, parfois même à ceux de leurs enfants.

Et pourtant, la société les condamne, les pointant du doigt comme des parias, sans jamais interroger les racines profondes de cette situation. Les pouvoirs publics ferment les yeux sur les causes économiques et sociales qui poussent ces femmes vers la prostitution, préférant les accabler plutôt que d’apporter des solutions durables.

Un futur incertain

Alors que les débats sur la réglementation de la prostitution font rage dans certains pays, au Cameroun, la question reste largement taboue. Les travailleuses du sexe continuent de se heurter à une hypocrisie d’État qui les condamne tout en profitant de leur précarité. Entre flics et proxénètes, elles naviguent sur une ligne fragile, espérant chaque nuit éviter l’arrestation ou la violence.

Article précédentFLAMME ET POING LEVÉ – VINÍCIUS ACCEPTE L’INVITATION DE NGANNOU
Article suivantUNE CAMEROUNAISE DISTINGUÉE PAR LE PRIX L’ORÉAL-UNESCO 2024

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici